Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/258

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captivité, non, puisque le travail est obligatoire. Si l’humanité seule ne le commande pas, le plus simple intérêt de sécurité l’exige ; la société doit mettre en état de vivre celui qui sort de prison, afin d’éviter que de nouveau il ne se tourne contre elle. Le système actuel peut suffire à toutes les exigences, il ne s’agit que de le modifier dans un sens plus large et qui permette au détenu de se créer par son labeur des ressources qui ne seront pas illusoires.

Les résultats moraux produits par le séjour dans les prisons ne sont point difficiles à constater. À Paris, en 1868, 15 861 individus ont été jugés par la police correctionnelle ; sur ce nombre, il y en avait 9 540, plus de moitié, qui avaient été précédemment condamnés. Dans la même année, sur 637 accusés qui ont comparu en cour d’assises, 289 étaient des repris de justice. Ces nombreuses récidives prouvent que la répression seule est impuissante, qu’il faut répudier la vieille loi judaïque du talion, que, s’il est juste de punir, il est indispensable d’amender, et que, pour atteindre ce but offert à toute nation civilisée, la prison doit devenir un hôpital moral. En présence de l’état de choses actuel, si douloureux et qui porte avec lui des enseignements qu’il faudrait écouter, on peut regretter avec amertume que la circulaire ministérielle du 7 août 1853 ait fait abandonner le système cellulaire, qui seul cependant permet d’agir sérieusement sur l’âme du prévenu. On a prétendu que ce régime rendait fou, qu’il poussait invinciblement au suicide ; tout cela est exagéré. M. Berriat Saint-Prix[1] a démontré que la proportion des suicides dans la population libre de Paris est de un sur 1 512 habitants, et qu’à Mazas elle était de un sur 1 371 détenus. S’il est constaté que le régime en commun donne

  1. Mazas, étude sur l’emprisonnement individuel, par M. Ch. Berriat Saint-Prix, 1860.