Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/64

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est trompeuse, et il ne faut pas s’y laisser prendre. Tous les déclassés, tous les fainéants, tous les ouvriers qui, par défaut d’aptitude ou par manque de travail, abandonnent leur atelier, vont sur les chantiers de terrassements essayer de manier la pioche ; tous ceux qui n’ayant aucun état ne vivent que de fraude ou de mendicité, lorsqu’on les interroge sur leur profession, répondent : « Journalier. » Après eux, mais très-loin, viennent les maçons, 1 965 ; les domestiques, 1 176 ; les serruriers-mécaniciens, 1 132 ; les employés, 1 046, et ainsi de suite ; je ne sais guère quelle fonction sociale ne prend part à des manœuvres coupables, car je vois qu’en 1868 on a arrêté à Paris 7 architectes, 3 avocats, 1 notaire, 36 individus prenant la qualification d’hommes de lettres, 15 ingénieurs, 66 instituteurs, 1 facteur à la poste, 21 pharmaciens et 5 sages-femmes. En lisant ces longues listes minutieusement préparées, et où toutes les classes de la société semblent s’être donné rendez-vous pour affirmer leur immoralité, on se rappelle involontairement le mot du duc de la Feuillade, qui disait : « Il n’y a si bonne famille qui n’ait son pendu. »

Ces soldats de la débauche et du crime ne sont pas toujours sur pied, et de même qu’ils ont leurs cafés, leurs cabarets et leurs bals, ils ont des lieux où ils vont faire halte et dormir. Beaucoup d’entre eux sont dans leurs meubles, comme on dit, ou logent chez ces pauvres créatures perdues, tombées au plus profond de l’égout social, et qu’ils nomment leurs ouvrières, car elles travaillent, — et quel effroyable labeur ! — pour les faire vivre. Ceux-là sont les plus favorisés et excitent l’envie de leurs compagnons, qui pour la plupart sont sans domicile. Lorsque les nuits sont âpres ou pluvieuses et qu’ils ont quelque monnaie en poche, ils vont demander asile à ces auberges de dernier ordre qu’on appelle des garnis à la nuit. Rien ne peut rendre l’aspect repoussant et l’odeur