Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient : Prenez garde, vous désorganisez l’armée ; telle qu’elle est, elle suffit à toutes les éventualités ; n’y touchez pas ! — On les a écoutés ; où en sont les petits-fils des vainqueurs d’iéna et d’Auerstædt ?

Si en matière d’enseignement l’on veut conserver les vieilles méthodes, ne pas rajeunir les matières d’instruction et la discipline, ne pas faire aux professeurs une situation qui leur permette de résister sans peine aux sollicitations des éducations particulières ou de l’industrie, si nous ne rendons pas le ministère de l’instruction publique absolument indépendant de la politique, si chaque changement ministériel amène des modifications dans le système pédagogique, si l’incohérence et l’hésitation continuent à fatiguer les élèves tout en paralysant les maîtres, si la France ne consent pas un sacrifice considérable en faveur de ce qui constitue en somme les plus grandes gloires de l’esprit humain, si nous ne rompons pas avec les habitudes prises, si nous n’appelons pas l’intelligence de tous au goût des choses sérieuses, si nous continuons à nous contenter de savoir « un peu de chaque chose et rien du tout, à la françoise », comme dit Montaigne, nous courons risque de ne pas reconquérir le rang que nous avaient fait nos anciennes destinées.

On aura beau chercher à concilier les intérêts, ce qui est le but de toute politique intérieure respectable, on aura beau avoir une politique extérieure prudente et ferme, mettre les budgets en équilibre, diminuer les impôts, accroître les revenus, avoir des armées innombrables et embellir les villes, on n’aura rien fait tant que l’on n’aura pas forgé à nouveau le moral de la nation par une loi d’enseignement à la fois très-sévère et très-large. Le mot de Bacon a la force d’une vérité éternelle : Quantum scit, tantum potest ; tant l’homme sait, tant il peut. Si nous pouvions adopter cette grande pa-