Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/167

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par le respect de tous, que doit-on penser de ceci : « Ici repose le deuil de la couronne de Henri IV et le deuil de la couronne de Louis XVIII ; gloire au vieux soldat et au jeune ! » — « C’était un ange sur la terre, qu’est-ce que ce sera dans le ciel ? » — « Elle aurait donné pour son mari ce que le pélican donne à ses petits. » — « X, décédé à l’âge de trois ans ; sa vie ne fut qu’abnégation et sacrifice. » C’est à l’infini que je pourrais multiplier de telles citations. De braves gens, mus par un sentiment sérieux, ne se doutent pas qu’ils font une chose ridicule en voulant écrire sur la tombe d’un homme âgé de soixante-quatorze ans : « Le ciel compte un ange de plus ! » On a grand-peine à leur faire comprendre que leur intérêt même exige qu’on ne se moque pas de l’expression de leurs regrets ; ils regimbent, ils maugréent, et accusent l’autorité de despotisme.

Les épitaphes qui sont tant soit peu singulières excitent une curiosité très-vive. Dans un de nos trois grands cimetières, sur une tombe fort modeste, on a gravé une inscription qui relate un fait pathologique rare, mais non point sans exemple. Lorsque la foule envahit les cimetières au jour des Trépassés, on est obligé de placer des agents près de ce tombeau, parce qu’il est tellement entouré par les curieux, que les sépultures mitoyennes ont à en souffrir ; on se presse, on s’entasse pour mieux voir, et, sans y prendre garde, on brise les grilles ou les clôtures voisines.

Les inscriptions qu’on lit sur les dalles tumulaires sont bien peu variées ; elles sont le plus souvent d’une vulgarité désespérante. Il y a longtemps que l’on a dit : menteur comme une épitaphe. Regrets éternels, éloges de toute vertu, espérance de bientôt se rejoindre : on tourne toujours dans le même cercle de phrases toutes faites et de sentimentalité banale. Chez les gens d’éducation médiocre, l’épitaphe n’est plus l’ex-