Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/255

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c’est tout un ; et lorsque la fabrique se ferme sous le poids d’une crise générale, le rentier et le propriétaire voient leurs revenus diminuer dans de notables proportions. Dans un pays, le malheur appauvrit et la prospérité enrichit tout le monde. Mais en dehors de ces grands chômages accidentels, qui parfois ont l’imprévu et les rigueurs d’une épidémie, les ouvriers n’ont-ils pas inventé pour eux-mêmes le chômage volontaire, dont les patrons ont à souffrir et qu’ils sont impuissants à combattre ?

Dans les ateliers, la paye se fait ordinairement tous les quinze jours, le samedi ; la semaine qui suit est, en grande partie, perdue pour le travail, et beaucoup d’ouvriers prolongent « le lundi » jusqu’au jeudi et jusqu’au vendredi. Tout chôme alors : les fourneaux sont éteints, les enclumes sont muettes, la besogne attend ; à ce métier, le patron ne s’enrichit guère et l’ouvrier non plus, car la paye gâchée en mauvais plaisirs ne lui a servi qu’à contracter des dettes. C’est là le fait de la majeure partie ; ceux qui ont eu la sagesse d’agir autrement ont mis un petit magot de côté qui leur permet de vivre sans trouble. À voir impartialement le fond des choses, on reconnaît que le plus souvent l’ouvrier demande un gros salaire, non pas pour épargner et assurer la paix de sa vieillesse, mais pour s’amuser et se jeter à travers les jouissances brutales où l’homme se complaît. À ce besoin malsain suffisent à peine 180 cafés-concerts, 238 bals publics et près de 25 000 débits de boisson, munis de 7 226 billards. Les boutiques des marchands de vin sont pleines à l’heure où l’on sort des ateliers et des chantiers ; elles sont pleines, le matin, à l’heure où l’on s’y rend. Il n’y a peut-être pas un ouvrier sur mille qui n’entre au cabaret avant de se mettre au travail, car il est de tradition, dans le peuple de Paris, qu’il faut « tuer le ver » et qu’on le tue avec un