Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/332

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pas ignorés. Sans remonter à la captivité du roi Jean, aux querelles d’Armagnac et de Bourgogne pendant la folie de Charles VI, sans évoquer le traité de Troyes qui livrait la France à l’Angleterre, sans parler du « petit roi de Bourges », les trois siècles qui nous précèdent nous ont mis quelquefois si bas, que l’on a pu croire que tout était fini. Après la prise de Haarlem et le massacre des deux mille Français qui défendaient la ville, le 12 juillet 1573, Louis de Nassau écrivait à Charles IX : « Maintenant vous touchez la ruine ; votre État baye de tous côtés, lézardé comme une vieille masure qu’on raccommode tous les jours de quelques pilotis et qu’on n’empêche pas de tomber ; où sont vos noblesses ? où sont vos soldats ? Ce trône est à qui veut le prendre ! » En 1589, la Ligue ; l’Espagne est en France, dans Paris par ses agents, à Corbeil par ses soldats ; en 1636, les Croates sont à Pontoise ; en 1709, famine, ruine, défaites ; les soldats n’ont plus de quoi manger et mendient dans les rues ; la vaisselle du roi est en terre de pipe ; le pain servi sur les tables de Versailles est du pain d’orge ; tout s’effondre ; en 1792, disette, révolution, invasion, massacre dans les prisons ; des gens affolés se tuent en criant : C’est la fin du monde ; pendant deux années, — 1793-1794, — qui restent le cauchemar de l’histoire, la France se bat sur toutes ses frontières et s’égorge elle-même ; en 1814 ; en 1815, invasion, démembrement, indemnité de guerre. Nous portons notre faix, nos pères ont porté le leur. Bien des fois, les étrangers ont cru nous avoir porté le dernier coup, et lorsqu’ils revenaient pour voir si nous étions bien morts, ils ont été surpris de nous trouver debout, gais, alertes, et plus vivants que jamais. La véritable devise de la France, d’après ses annales, son caractère et ses mœurs, devrait être : nil desperandum !

Dans nos troubles intérieurs, dont trop souvent le