Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/333

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signal est parti de Paris, c’est notre ville qui devient l’objet de toutes les colères, et les malédictions ne lui sont point épargnées ; elle les mérite parfois : sa joie tumultueuse est insultante, et elle se plaît à humilier les idoles qu’elle adorait ; elle force Louis XVI à se coiffer du bonnet rouge à la journée du 21 juin, comme jadis, le 25 février 1358, elle a posé le chaperon d’Étienne Marcel sur la tête du dauphin, qui devait être Charles le Sage. Ces faits-là ne se pardonnent guère. Lorsque, après ces violentes commotions, l’ordre se rétablit peu à peu, les hommes qui ont profité des événements accomplis se retournent contre Paris et le menacent de briser son omnipotence. On a même, depuis 1870, inventé un mot, et l’on répète complaisamment : Il faut décapitaliser Paris.

Le terme est nouveau, mais l’idée n’est pas neuve. Le 25 septembre 1793, Lasource demandait que Paris fût réduit à « son quatre-vingt-neuvième d’influence ». Mais bien avant le député girondin on avait voulu décapiter la France. En avril 1436, au moment où Charles VII victorieux vient de rentrer dans Paris, enfin purgé de la domination anglaise, on agite très-sérieusement la résolution de transporter la capitale dans une des villes riveraines de la Loire. Des hauteurs de Saint-Cloud où il avait posé son camp et où il devait recevoir le coup de couteau du moine jacobin, Henri III s’écriait : « Paris, chef du royaume, mais chef trop gros et trop capricieux, tu as besoin d’une saignée pour te guérir, ainsi que toute la France, de la frénésie que tu lui communiques ; encore quelques jours, et l’on ne verra ni tes maisons, ni tes murailles, mais seulement la place où tu auras été. » Lorsque Henri IV entra, il hésita et faillit retourner sur ses pas, car il n’osait pénétrer « dans cette spéloncque de bestes farouches ».

Louis XIV, qui gardait rancune de la Fronde, installa