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déduction mathématique et théorie physique

certaine limite. Une telle déduction mathématique est et restera toujours inutile au physicien ; quelque précis et minutieux que soient les instruments par lesquels les conditions de l’expérience seront traduites en nombres, toujours, à des conditions expérimentales pratiquement déterminées, cette déduction fera correspondre une infinité de résultats pratiques différents ; elle ne permettra plus d’annoncer d’avance ce qui doit arriver en des circonstances données.

D’une telle déduction, à tout jamais inutile, les recherches de M. J. Hadamard nous fournissent un exemple bien saisissant ; il est emprunté à l’un des problèmes les plus simples qu’ait à traiter la moins compliquée des théories physiques, la Mécanique.

Une masse matérielle glisse sur une surface ; aucune pesanteur, aucune force ne la sollicite ; aucun frottement ne gêne son mouvement. Si la surface sur laquelle elle doit demeurer est un plan, elle décrit une ligne droite avec une vitesse uniforme ; si la surface est une sphère, elle décrit un arc de grand cercle, également avec une vitesse uniforme. Si notre point matériel se meut sur une surface quelconque, il décrit une ligne que les géomètres nomment une ligne géodêsique de la surface considérée. Lorsqu’on se donne la position initiale de notre point matériel et la direction de sa vitesse initiale, la géodésique qu’il doit décrire est bien déterminée.

Les recherches de M. Hadamard[1] ont porté, en particulier, sur les géodésiques des surfaces à courbures

  1. J. Hadamard : Les surfaces à courbures opposées et leurs lignes géodésiques. Journal de Mathématiques pures et appliquées, 5e série, t. IV, p. 27 ; 1898.)