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la structure de la théorie physique

avec la température et la pression suivant une certaine formule que J. Willard-Gibbs a établie ; cette formule représente, en effet, les résultats des déterminations expérimentales ; notre second physicien en conclut que la vapeur d’iode ne fait point exception à la règle selon laquelle tous les gaz se compriment et se dilatent de la même manière. Ainsi nos deux physiciens diffèrent entièrement d’avis au sujet d’une loi que tous deux énoncent sous la même forme ; l’un trouve que cette loi est mise en défaut par un certain fait, l’autre qu’elle est confirmée par ce même fait ; c’est que les théories différentes dont ils se réclament ne fixent pas de la même façon le sens qui convient à ces mots : un gaz unique ; en sorte qu’en prononçant tous deux la même phrase, ils entendent deux propositions différentes ; pour comparer cet énoncé à la réalité, ils font des calculs différents, en sorte que l’un peut trouver cette loi vérifiée par des faits qui, pour l’autre, la contredisent ; preuve bien manifeste de cette vérité : Une loi de Physique est une relation symbolique dont l’application à la réalité concrète exige que l’on connaisse et que l’on accepte tout un ensemble de théories.



§ II. — Qu’une loi de Physique n’est, à proprement parler, ni vraie, ni fausse, mais approchée.

Une loi de sens commun est un simple jugement général ; ce jugement est vrai ou faux. Prenons, par exemple, cette loi que révèle l’observation vulgaire : à Paris, le soleil se lève chaque jour à l’orient, monte