La classification qu’il a imaginée est un ensemble d’opérations intellectuelles ; elle porte non sur des individus concrets, mais sur des abstractions, les espèces ; ces espèces, elle les range en groupes dont les plus particuliers se subordonnent aux plus généraux ; pour former ces groupes, le naturaliste considère les divers organes, colonne vertébrale, crâne, cœur, tube digestif, poumon, vessie natatoire, non sous la forme particulière et concrète qu’ils prennent chez chaque individu, mais sous la forme abstraite, générale, schématique, qui convient à toutes les espèces d’un même groupe ; entre ces organes ainsi transfigurés par l’abstraction, il établit des comparaisons, il note des analogies et des différences ; par exemple, il déclare la vessie natatoire des poissons homologue du poumon des vertébrés ; ces homologies sont des rapprochements purement idéaux, portant non sur les organes réels, mais sur les conceptions généralisées et simplifiées qui se sont formées dans l’esprit du naturaliste ; la classification n’est qu’un tableau synoptique qui résume tous ces rapprochements.
Lorsque le zoologiste affirme qu’une telle classification est naturelle, il entend que ces liens idéaux, établis par sa raison entre des conceptions abstraites, correspondent à des rapports réels entre les êtres concrets où ces abstractions prennent corps ; il entend, par exemple, que les ressemblances plus ou moins frappantes qu’il a notées entre diverses espèces sont l’indice d’une parenté proprement dite, plus ou moins étroite, entre les individus qui composent ces espèces ; que les accolades par lesquelles il traduit aux yeux la subordination des classes, des ordres, des familles, des