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les théories représentatives et l’histoire

cristaux biaxes les lois de ces étranges phénomènes, que le physicien Lloyd a ensuite recherchés et découverts.

La théorie de la double réfraction biaxiale possède donc cette fécondité et ce pouvoir de divination où nous reconnaissons les marques d’une classification naturelle ; et cependant, elle n’est pas née d’un essai d’explication.

Non pas que Fresnel n’ait tenté d’expliquer la forme de surface d’onde qu’il avait obtenue ; cette tentative le passionna même à tel point, qu’il ne publia pas la méthode qui l’avait conduit à l’invention ; cette méthode fut connue seulement après sa mort, lorsqu’on livra enfin à l’impression son premier mémoire sur la double réfraction[1]. Dans les écrits qu’il publia, de son vivant, sur la double réfraction, Fresnel s’efforça sans cesse de retrouver, au moyen d’hypothèses sur les propriétés de l’éther, les lois qu’il avait découvertes ; « mais ces hypothèses[2], dont il avait fait ses principes, ne résistent pas à un examen approfondi ». Admirable lorsqu’elle se borne à jouer le rôle de classification naturelle, la théorie de Fresnel devient insoutenable dès là qu’elle se donne pour une explication.

Il en est de même de la plupart des doctrines physiques ; ce qui, en elles, est durable et fécond, c’est l’œuvre logique par laquelle elles sont parvenues à classer naturellement un grand nombre de lois en les

  1. Voir l’Introduction aux œuvres d’Augustin Fresnel, par E. Verdet, art. 11 et 12. (Œuvres complètes d’Augustin Fresnel, t. I, p. lxx et p. lxxvi.)
  2. E. Verdet: loc. cit., p. 84.