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l’objet de la théorie physique

mode de mouvement encore inconnu des hommes. Aristote cependant use de telles suppositions relatives à la nature du mouvement comme si elles étaient vraies. »

En un passage de la Somme théologique (i, 32), saint Thomas marque encore plus nettement l’incapacité de la méthode physique à saisir une explication certaine : « On peut, dit-il, de deux manières différentes rendre raison d’une chose. La première consiste à prouver d’une manière suffisante un certain principe. C’est ainsi qu’en Cosmologie (Scientia naturalis) on donne une raison suffisante pour prouver que le mouvement du ciel est uniforme. En la seconde manière, on n’apporte pas une raison qui prouve d’une manière suffisante le principe ; mais, le principe étant posé d’avance, on montre que ses conséquences s’accordent avec les faits ; ainsi, en Astronomie, on pose l’hypothèse des épicycles et des excentriques, parce que, cette hypothèse faite, les apparences sensibles des mouvements célestes peuvent être sauvegardées ; mais ce n’est pas une raison suffisamment probante, car elles pourraient peut-être être sauvegardées par une autre hypothèse. »

Cette opinion touchant le rôle et la nature des hypothèses astronomiques s’accorde fort aisément avec bon nombre de passages de Copernic et de son commentateur Rheticus. Copernic, notamment, dans son Commentariolus de hypothesibus motuum cœlestium a se constitutis, présente simplement l’immobilité du soleil et la mobilité de la terre comme des postulats qu’il demande qu’on lui concède : Si nobis aliquæ petitiones… concedentur. Il est juste d’ajouter qu’en