retenues par ceux qui les détenaient jusque-là. Ces organes locaux, au lieu de garder leur individualité et de rester diffus, viennent donc se fondre dans l’appareil central qui, par suite, grossit, et cela d’autant plus que la société est plus vaste et la fusion plus complète ; c’est dire qu’il est d’autant plus volumineux que les sociétés sont d’une espèce plus élevée.
Ce phénomène se produit avec une nécessité mécanique, et d’ailleurs il est utile, car il correspond au nouvel état des choses. Dans la mesure où la société cesse d’être formée par une répétition de segments similaires, l’appareil régulateur doit lui-même cesser d’être formé par une répétition d’organes segmentaires autonomes. Toutefois, nous ne voulons pas dire que normalement l’État absorbe en lui tous les organes régulateurs de la société quels qu’ils soient, mais seulement ceux qui sont de même nature que les siens, c’est-à-dire qui président à la vie générale. Quant à ceux qui régissent des fonctions spéciales, comme les fonctions économiques, ils sont en dehors de sa sphère d’attraction. Il peut bien se produire entre eux une coalescence du même genre, mais non entre eux et lui ; ou du moins s’ils sont soumis à l’action des centres supérieurs, ils en restent distincts. Chez les vertébrés, le système cérébro-spinal est très développé, il a une influence sur le grand sympathique, mais il laisse à ce dernier une large autonomie.
En second lieu, tant que la société est faite de segments, ce qui se produit dans l’un d’eux a d’autant moins de chances de faire écho dans les autres que l’organisation segmentaire est plus forte. Le système alvéolaire se prête naturellement à la localisation des événements sociaux et de leurs suites. C’est ainsi que, dans une colonie de polypes, un des individus peut être malade sans que les autres s’en ressentent. Il n’en est plus de même quand la société est formée par un système d’organes. Par suite de leur mutuelle dépendance, ce qui atteint l’un en atteint d’autres, et ainsi tout changement un peu grave prend un intérêt général.