Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/97

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même temps que ce caractère constant ne saurait se trouver parmi les propriétés intrinsèques des actes imposés ou prohibés par les règles pénales, puisqu’ils présentent une telle diversité, mais dans les rapports qu’ils soutiennent avec quelque condition qui leur est extérieure.

On a cru trouver ce rapport dans une sorte d’antagonisme entre ces actions et les grands intérêts sociaux, et on a dit que les règles pénales énonçaient pour chaque type social les conditions fondamentales de la vie collective. Leur autorité viendrait donc de leur nécessité ; d’autre part, comme ces nécessités varient avec les sociétés, on s’expliquerait ainsi la variabilité du droit répressif. Mais nous nous sommes déjà expliqués sur ce point. Outre qu’une telle théorie fait au calcul et à la réflexion une part beaucoup trop grande dans la direction de l’évolution sociale, il y a une multitude d’actes qui ont été ou sont encore regardés comme criminels, sans que par eux-mêmes ils soient nuisibles à la société. En quoi le fait de toucher un objet tabou, un animal ou un homme impur ou consacré, de laisser s’éteindre le feu sacré, de manger de certaines viandes, de ne pas immoler sur la tombe des parents le sacrifice traditionnel, de ne pas prononcer exactement la formule rituelle, de ne pas célébrer certaines fêtes, etc., a-t-il pu jamais constituer un danger social ? On sait pourtant quelle place occupe dans le droit répressif d’une foule de peuples la réglementation du rite, de l’étiquette, du cérémonial, des pratiques religieuses. Il n’y a qu’à ouvrir le Pentateuque pour s’en convaincre, et, comme ces faits se rencontrent normalement dans certaines espèces sociales, il est

    bre qu’il traite d’anormaux. On peut dire d’un fait social qu’il est anormal par rapport au type de l’espèce, mais une espèce ne saurait être anormale. Les deux mots jurent d’être accouplés. Si intéressant que soit l’effort de M. Garofalo pour arriver à une notion scientifique du délit, il n’est pas fait avec une méthode suffisamment exacte et précise. C’est ce que montre bien cette expression de délit naturel dont il se sert. Est-ce que tous les délits ne sont pas naturels ? Il est probable qu’il y a là un retour de la doctrine de Spencer, pour qui la vie sociale n’est vraiment naturelle que dans les sociétés industrielles. Malheureusement rien n’est plus faux.