Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la racine de toutes les intolérances, de tous les fanatismes. Ainsi est enfin résolu le problème de concilier les droits de la conscience avec les droits de la vérité.

C’est le sens profond du mot fameux sur les deux majestés que Kant salue dans un passage qui est une immortelle prière : le ciel étoilé au-dessus de nos têtes, la loi du devoir au fond de notre âme. Par l’une et par l’autre voie, le divin nous apparaît : par la science avec les caractères de la science, certitude rigoureuse, inflexible, invariable, impersonnelle; par la conscience avec les caractères de la conscience, certitude morale, œuvre de la volonté et du sentiment, se traduisant en une conviction personnelle aussi impérative qu’indémontrable.

Cette révolution décisive dans la direction de la pensée humaine, s’il était réservé au génie de Kant de la fonder sur une incomparable analyse de l’esprit humain, l’obscur professeur de l’Université de Bâle en avait eu du moins la claire et certaine intuition, et il l’avait exprimée dans tous ses écrits. C’est l’honneur du protestantisme d’avoir été dans le monde moderne la première école de philosophie, alors même qu’il s’en défendait. Sans doute, quelques-uns de ses représentants les plus illustres et Calvin à leur tête, entendaient bien fonder une religion d’autorité, opposer à l’église catholique une église plus catholique, à l’orthodoxie romaine l’orthodoxie chrétienne, à l’infaillibilité du pape celle de la Bible. Mais à côté d’eux, d’autres fils non moins légitimes de la Réforme, guidés par l’instinct religieux qui leur faisait chercher Dieu dans la foi et non dans la croyance, dans la vie et non dans le catéchisme, inauguraient résolument, avant même de pouvoir la définir et la justifier, une tout autre méthode dont notre siècle seulement a trouvé la formule.

De tous les hétérodoxes protestants du XVIe siècle aucun