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l’exemple à ses ouvriers, il prit un marteau, et mit son bateau en pièces.

Ensuite, il reprit son humble travail d’apprêteur d’or. Quant à son brevet, il le laissa expirer au ministère de la marine, où personne ne s’en inquiéta jamais.

Dallery est mort à l’âge de quatre-vingt-un ans, à Jouy, où tout le monde l’a connu. C’était un beau vieillard, aux grandes manières. Majestueux dans sa tenue, toujours poudré à blanc et en cravate blanche, il parlait peu, ne riait jamais, et était d’une dignité royale[1].

Après Dallery, beaucoup de mécaniciens ont essayé de mettre en mouvement, par l’action de la vapeur, une ou plusieurs hélices disposées de différentes manières, sous la ligne de flottaison d’un bâtiment ou d’un bateau de rivière. Mais aucune de ces tentatives ne réussit, et leur insuccès jeta beaucoup de défaveur sur ce système. Ce n’est qu’en 1823 que les préventions qui régnaient chez les constructeurs, contre l’emploi de l’hélice, furent en partie dissipées, par les remarquables travaux qu’exécuta en France, le capitaine du génie Delisle.

Nous devons dire pourtant, que l’on a inauguré à Vienne, le 18 janvier 1863, un monument élevé à la mémoire de Joseph Ressel, qui passe, à tort ou à raison, en Autriche, pour l’inventeur de l’hélice appliquée à la navigation à vapeur.

Ressel était né à Chrudim, ville de Bohême, en 1793. Encore étudiant à l’université de Vienne, il conçut, en 1812, le projet de diriger les ballons, au moyen d’une hélice. Le moteur devait être une machine électro-magnétique. C’est ainsi qu’il fut conduit à penser que la vis d’Archimède rendrait des services sérieux dans la navigation fluviale et maritime.

Ce n’est toutefois qu’en 1826, que Ressel put exécuter ses premiers essais. Il fit construire, à cette époque, à Trieste, une petite hélice propre à mettre en mouvement un bateau à vapeur. Deux négociants avaient consenti à en payer les frais. Ressel prit un brevet pour l’application de l’hélice à la navigation ; mais la police autrichienne, nous ne savons pourquoi, l’empêcha de répandre ses prospectus.

Ressel entreprit alors la construction d’un petit bateau à hélice, mû à bras d’homme, et destiné au vice-roi d’Égypte, Méhémet-Ali.

Il obtint, peu après, la permission de construire un bateau à vapeur à hélice, dans les chantiers de Trieste. Un commerçant, nommé Fontana, se chargea d’en faire les frais.

Pendant que cette construction se poursuivait lentement, Ressel vint à Paris, où il fit quelques expériences en public, et essaya de trouver des associés. Mais un certain Messonier, à qui il avait communiqué ses plans, prit le brevet en son propre nom. Si bien que Ressel put à grand’peine se procurer l’argent nécessaire pour retourner à Trieste, où il retrouva Fontana, fort mal disposé à son égard.

Cependant, dans l’été de 1829, son bateau à hélice, la Civetta, dont la machine n’avait qu’une force de six chevaux, fut en mesure d’entreprendre un voyage d’essai. Ressel partit, ayant à bord de la Civetta, quarante passagers.

Au bout de cinq minutes, un tuyau de la machine à vapeur s’étant brisé, le bateau s’arrêta net. La police intervint et défendit à Ressel toute expérience ultérieure. La Civetta fut mise au vieux bois et l’on n’en entendit plus parler.

  1. C’est grâce aux efforts persévérants de son gendre, M. Chopin-Dallery, que les travaux de Charles Dallery ont été préservés de l’oubli qui les menaçait. M. Chopin-Dallery a publié, en 1855, chez Firmin Didot, une brochure intitulée : Origine de l’hélice propulso-directeur, précédée d’une notice sur Charles Dallery. Il a fait aussi paraître une brochure de 20 pages in-8o, ayant pour titre : L’hélice appliquée aux bateaux et aux voitures à vapeur, mémoire explicatif sur le brevet d’invention Dallery obtenu le 29 mars 1803. Ce travail fut présenté à l’Académie des sciences le 25 mars 1844, et une commission composée de MM. Arago, Ch. Dupin, Pouillet et Morin, reconnut dans un rapport, les droits de Dallery aux inventions spécifiées dans ce mémoire. Mais combien n’y a-t-il pas, autour de nous, de ces Dallery ignorés, et qui le seront à jamais, faute d’un gendre !