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le matin, à la hauteur de vingt-six pouces trois lignes et demie (0m,711).

Le lendemain, le Père de La Mare, théologal de l’église cathédrale, qui avait assisté la veille à tout ce qui s’était passé dans le couvent des Minimes, proposa à Périer de répéter l’expérience au pied et sur le faîte de la plus haute des tours de l’église Notre-Dame, à Clermont. On trouva une différence de deux lignes (0m,0045) entre les deux mesures prises à la base et au sommet de la tour.

Enfin, en déterminant comparativement la hauteur du mercure dans le jardin des Minimes, situé dans une des positions les plus basses de la ville et sur le point le plus élevé de la même tour, on constata une différence de deux lignes et demie (0m,0055).

Périer s’empressa d’informer son beau-frère du grand résultat que l’expérience venait de lui fournir ; Pascal en reçut la nouvelle avec une joie facile à comprendre.

D’après la relation de Périer, une différence de vingt toises (38m,980) d’élévation dans l’air, suffisait pour produire, dans la colonne de mercure, un abaissement de deux lignes (0m,0045). Pascal pensa, d’après cela, qu’il serait facile de répéter l’expérience à Paris. Il l’exécuta en effet sur la tour Saint-Jacques-la-Boucherie, haute de vingt-cinq toises (48m,725). Il trouva entre la hauteur du mercure, au bas et au sommet de cette tour, une différence de plus de deux lignes[1]. Dans une maison particulière, dont l’escalier avait quatre-vingt-dix marches, il prit la même mesure dans la cave et sur les toits : il put reconnaître ainsi un abaissement d’une demi-ligne (0m,0011).

Ainsi, les prévisions de Pascal étaient confirmées dans toute leur étendue ; la maxime de l’horreur du vide n’était plus qu’une chimère condamnée par l’expérience, et un horizon nouveau s’offrait à l’avenir des sciences physiques. La découverte de la pesanteur de l’air et la mesure de ses variations à l’aide du tube de Torricelli devinrent, en effet, le point de départ et l’origine des grands travaux qui devaient élever la physique sur les bases positives où elle repose aujourd’hui. Le tube de Torricelli, dont Pascal venait de faire un admirable moyen de mesurer la pression atmosphérique, apporta aux observateurs un secours de la plus haute importance, en ce qu’il permit de soumettre au calcul et de ramener à des conditions comparables un grand nombre de phénomènes naturels restés jusque-là inexplicables.

Pascal ne manqua pas de saisir toute la portée du principe fondamental qu’il venait de mettre en lumière. Le fait de la pression que l’air atmosphérique exerce sur tous les corps qui nous environnent lui permit d’expliquer plusieurs phénomènes physiques dont la cause s’était dérobée jusque-là à toute interprétation. L’ascension de l’eau dans le tuyau des pompes, le jeu du syphon, de la seringue et divers autres faits physiques, reçurent de lui une explication complète.

La découverte de la pesanteur de l’air produisit parmi les savants l’impression la plus vive ; les partisans de l’opinion du plein universel furent réduits au silence. Cependant il manquait encore quelque chose à la démonstration complète de l’existence de la pesanteur de l’air. En montrant qu’une colonne de mercure est tenue en équilibre, dans un tube vide, par le poids de l’atmosphère, on ne prouvait la pesanteur de l’air que d’une manière indirecte, et ce moyen ne pouvait servir d’ailleurs à peser un volume d’air déterminé. Il fallait, pour achever la démonstration, donner aux physiciens les moyens de peser un vase tantôt plein, tantôt vide d’air. Aussi les savants s’occupèrent-ils, dès ce moment, avec beaucoup d’ardeur à combiner quelque instrument susceptible de produire le vide dans un espace clos.

C’est à un physicien de Magdebourg, Otto de Guericke, conseiller de l’électeur Frédéric Guillaume et bourgmestre de la ville de Mag-

  1. C’est pour consacrer le souvenir de ce grand fait, que la statue de Pascal a été placée, en 1856, au bas de la tour Saint-Jacques-la-Boucherie, dans la rue de Rivoli.