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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/514

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Aldrovande, de Bologne, et Hermolaus Barbarus, de Venise, disent avoir vu quelquefois, à des hauteurs considérables, des corbeaux dont le bec jetait une vive lumière par les temps d’orage. C’est peut-être, ajoute le naturaliste Guéneau (de Montbéliard), quelque observation de ce genre qui a valu à l’aigle le titre de ministre de la foudre.

M. Binon, curé de Plauzet, assurait que pendant vingt-sept ans qu’il résida dans cette paroisse, les trois pointes de la croix du clocher paraissaient environnées d’un corps de flamme dans les grandes tempêtes. Quand ce phénomène s’était montré, la tempête n’était plus à craindre, car le calme succédait aussitôt[1].

Pacard, secrétaire de la paroisse du prieuré de la montagne du Brevent, située en face du mont Blanc, faisait creuser les fondements d’un chalet qu’il voulait construire dans une prairie, lorsqu’un violent orage se déclara. Il se réfugia sous un rocher peu éloigné, et vit le feu électrique briller à plusieurs reprises sur la tête d’un grand levier de fer planté en terre, qu’il avait laissé en se retirant[2].

Si l’on monte sur la cime d’une montagne, on pourra être électrisé par une nuée orageuse, comme le sont les pointes des girouettes et des mâts.

C’est ce qu’éprouvèrent, en 1767, Pictet, de Saussure et Jallabert fils, sur la cime du Brevent. Le premier de ces savants, à mesure qu’il marquait sur son plan, la position de quelque montagne, en demandait le nom aux guides qu’on avait pris ; et pour la leur désigner, il la montrait du doigt en élevant la main. « Il s’aperçut que chaque fois qu’il faisait ce geste, il sentait au bout de son doigt une espèce de frémissement ou de picotement, semblable à celui qu’on éprouve lorsque l’on s’approche d’un globe de verre fortement électrisé. » L’électricité d’un nuage orageux, qui était vis-à-vis, fut la cause de cette sensation. L’effet fut le même sur les compagnons et les guides du voyage, et la force de l’électricité augmentant bientôt, la sensation produite par l’électricité devint à chaque instant plus vive ; elle était même accompagnée d’une espèce de sifflement. Jallabert, qui avait un galon à son chapeau, entendait autour de sa tête un bourdonnement effrayant, que les autres personnes entendirent aussi quand elles le mirent à leur tour sur leur tête. On tirait des étincelles du bouton d’or de ce chapeau, de même que de la virole de métal d’un grand bâton.

L’orage pouvant devenir dangereux, on descendit à dix ou douze toises plus bas, où l’on ne sentit plus d’électricité. Bientôt après il survint une petite pluie, l’orage se dissipa, et l’on remonta au sommet, où l’on ne trouva plus aucun signe d’électricité[3].

Ainsi, à toutes les époques, on a vu se manifester des phénomènes météoriques qui avaient l’électricité pour cause ; mais en l’absence de connaissances positives sur ce grand agent de la nature, ces phénomènes ne pouvaient être qu’un objet de curiosité. Un étonnement stérile était le seul sentiment que ce spectacle pût exciter, lorsqu’une idée superstitieuse ne venait pas couper court à toute tentative d’explication.

Bien que connus et depuis longtemps enregistrés dans les annales historiques, ces faits restèrent donc, pendant des siècles, isolés et inutiles pour la science. Cette mine précieuse, qui devait être un jour si féconde en découvertes, apparaissait par intervalles et se dévoilait aux yeux des hommes par quelque filon brillant, par quelque lumineuse échappée ; mais cet appel à l’investigation scientifique demeurait sans résultat. Nul ne pouvait encore essayer de remonter jusqu’à la source où se cachaient tant

  1. Transactions philosophiques, t. XLVIII, part. I, p. 210.
  2. De Saussure, Voyage dans les Alpes, in-8o, t. II, p. 56.
  3. De Saussure, Voyage dans les Alpes, in-8o, t. II, p. 155. — Histoire de l’Académie des sciences de Paris pour 1767, p. 33.