Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tôt, l’infortuné Richmann, à Saint-Pétersbourg, ne serait pas mort foudroyé.

Le mémoire dans lequel Romas raconte les détails de l’expérience du cerf-volant, fut lu dans une séance publique de rentrée de l’Académie des sciences de Bordeaux. Il excita dans l’assemblée un véritable enthousiasme. L’Académie des sciences de Paris, sur le désir de l’abbé Nollet, ordonna l’insertion de ce travail dans les Mémoires des savants étrangers : il parut dans ce recueil en 1755[1].

Romas continua pendant plusieurs années, ses expériences sur l’électricité atmosphérique, soit avec des barres, soit avec des cerfs-volants. Selon M. Mergey, professeur de physique au lycée de Bordeaux, auteur d’une excellente Étude sur les travaux de Romas, couronnée en 1853 par l’Académie de Bordeaux, et à laquelle nous avons emprunté divers renseignements, « Romas consigna les nombreux résultats de ses observations dans un journal d’expériences qui n’a pas été conservé. Quelques extraits de ce journal, relatifs à l’électricité de l’air en temps ordinaire et en l’absence de tout nuage orageux, lui fournirent la matière d’un Mémoire présenté à l’Académie de Bordeaux (avril 1753), et qui existe encore en manuscrit. »

Romas crut avoir constaté le premier la présence de l’électricité dans l’atmosphère par un ciel serein ; mais sa mauvaise fortune voulut que Lemonnier, comme nous l’avons dit plus haut, eût fait avant lui la même découverte, dont il donna communication à l’Académie des sciences de Paris, en novembre 1752. Nous devons dire pourtant que les expériences de Nérac, si elles vinrent après celles de Paris, furent faites sur une bien plus large échelle, et que les conclusions en étaient plus nettement formulées.

Aucun physicien n’a jamais déployé, dans un cas semblable, l’audace dont Romas donna les preuves dans toutes ses expériences avec le cerf-volant électrique. Les résultats qu’il obtint sont vraiment prodigieux et n’ont jamais été égalés. Le physicien Charles, qui, à l’exemple de Pilâtre de Rozier, exécuta plus tard des expériences avec le cerf-volant électrique, fut loin de reproduire l’intensité des phénomènes observés par Romas.

Plusieurs fois la vie du physicien de Nérac fut en danger. Le 21 juin 1756, il reçut une commotion si forte, qu’il fut jeté par terre. Les effets qu’il obtint en 1757 furent d’une intensité effrayante. Ce n’étaient plus des étincelles électriques qu’il excitait du fil du cerf-volant, mais des lames de feu de neuf à dix pieds de longueur, et d’un pouce de largeur, qui éclataient avec le bruit d’un coup de pistolet.

La description de ces derniers résultats est contenue dans une lettre écrite par Romas à l’abbé Nollet, le 26 août 1757, et qui a été reproduite dans les Mémoires des savants étrangers à l’Académie de Paris :

« Vous jugeâtes, Monsieur, écrit Romas à l’abbé Nollet, que ma première expérience électrique du cerf-volant, où j’eus le plaisir de voir des lames de feu de sept à huit pouces de longueur, méritait d’être connue du public, puisque vous m’avez fait l’honneur de l’insérer dans le second volume des mémoires fournis par les étrangers à votre académie ; mais les effets électriques du même cerf-volant ont été bien autre chose dans une expérience que je fis le 16 de ce mois, pendant un orage que j’ose dire n’avoir été que médiocre, puisqu’il ne tonna presque point et que la pluie fut fort menue. Imaginez-vous de voir, Monsieur, des lames de feu de neuf à dix pieds de longueur et d’un pouce de grosseur, qui faisaient autant ou plus de bruit que des coups de pistolet ; en moins d’une heure j’eus certainement trente lames de cette dimension, sans compter mille autres de sept pieds et au-dessous. Mais ce qui me donna le plus de satisfaction dans ce nouveau spectacle, c’est que les plus grandes lames furent spontanées, et que, malgré l’abondance du feu qui les formait, elles tombèrent constamment sur le corps non électrique le plus voisin. Cette constance me donna tant de sécurité, que je ne craignis pas d’exciter ce feu avec mon excitateur, dans le temps même

  1. Mémoires de mathématiques et de physique présentés à l’Académie royale des sciences par divers savants et lus dans les assemblées, t. II, p. 393.