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recherches. Dans une expérience, bien célèbre et pourtant inexacte, il avait constaté que deux disques de zinc et d’argent isolés par une tige de verre et mis en contact, puis séparés aussitôt, se chargeaient d’une certaine quantité d’électricité, appréciable par le condensateur et l’électroscope à feuilles d’or. Mais la quantité d’électricité développée par ce simple contact de deux métaux était si faible, qu’il importait d’en augmenter la tension en réunissant plusieurs couples de ces disques métalliques ainsi électrisés par le contact. C’est en rassemblant plusieurs de ces couples, dans le but d’augmenter l’intensité des effets électriques dus au contact, que Volta construisit la première pile qu’un physicien ait possédée. Il nous dit lui-même que telle fut l’origine de sa découverte :

« La preuve la plus frappante, dit Volta, du développement de l’électricité par le simple contact de deux métaux, c’est que, dans une de mes expériences où je me servais de plusieurs couples métalliques, j’obtins une tension électrique deux, trois ou quatre fois plus grande, selon que j’employais deux, trois ou quatre couples de zinc ou d’argent. C’est ce grand résultat qui, à la fin de l’année 1799, m’amena à la construction du nouvel appareil que je nommai électro-moteur, et que mes anciennes expériences ne m’avaient pas encore permis de découvrir. »

C’est donc en voulant démontrer et confirmer le principe du développement de l’électricité par le contact, que Volta fut amené à construire l’instrument qui porte son nom.

Après avoir exposé les diverses péripéties à travers lesquelles les expérimentateurs ont passé pour arriver à la découverte de la pile de Volta, terminons en essayant de tirer, comme le chœur dans les tragédies antiques, la moralité qui découle de ce récit.

Citiùs emergit veritas ex errore quàm ex confusione[1], a dit Bacon. Jamais peut-être, dans les sciences, la vérité de cet axiome de l’auteur du Novum Organum n’a été mieux démontrée que par la découverte de la pile de Volta. Il est rigoureusement exact de dire que cette découverte a été le résultat d’une suite de hasards heureux du côté de Galvani, et d’erreurs de la part de Volta. Pour que Galvani fût mis sur la voie de l’existence de l’électricité animale, il a fallu que l’un de ses amis se trouvât occupé à des expériences électriques, pendant le temps et dans le laboratoire même où l’anatomiste de Bologne poursuivait de son côté, des expériences physiologiques. Il a fallu que les recherches anatomiques de Galvani portassent précisément sur les nerfs lombaires et les muscles cruraux de la grenouille, c’est-à-dire sur l’électroscope le plus sensible qui existe, et dont la propriété, sous ce rapport, était alors ignorée. Les préparations anatomiques de l’un des expérimentateurs s’étant trouvées, par la plus singulière des coïncidences, en présence des appareils électriques de l’autre, il a fallu encore que Galvani n’ait pas voulu se contenter, comme l’aurait fait à sa place tout autre physicien, de l’explication de ce phénomène par le choc en retour, qui en était pourtant la cause véritable. Enfin, comme si toutes ces rencontres bizarres, ces coïncidences étranges, ne suffisaient point, Galvani, poursuivant pendant six années la solution d’un problème déjà tout résolu pour ainsi dire, fut conduit par un hasard nouveau, à la découverte du fait fondamental qui devait donner naissance à l’électricité dynamique, c’est-à-dire les contractions propres de la grenouille, dont il fut inopinément le témoin sur la terrasse du palais Zamboni.

Après la part du hasard, du côté de Galvani, est venue, dans la découverte de la pile, la part des erreurs du côté de Volta. C’est par un enchaînement d’observations inexactes et de mauvaises interprétations des faits (on le verra plus clairement par la suite de ce récit), que Volta fut amené à construire son appareil. Il est bien extraordinaire qu’un physicien, partant d’une observation erronée, discutant cette observation avec de continuelles

  1. La vérité sort plutôt de l’erreur que de la confusion des faits.