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propriée ; Fabroni, en voulant, à l’inverse, tout rapporter à l’action chimique, sans tenir aucun compte de l’électricité naturelle qui circule dans les corps des animaux, et en affirmant avec insistance que les convulsions musculaires de la grenouille pouvaient parfaitement s’expliquer par la seule action chimique entre les liquides animaux et l’arc excitateur. De quelque côté qu’elle vînt, cette confusion, si elle eût prévalu, aurait arrêté à jamais les progrès de la science. Volta, au contraire, sut éviter ce genre d’écueil, et il vit ses efforts couronnés d’un succès immortel.



CHAPITRE III

lettre d’alexandre volta à sir joseph banks sur la construction et les effets de la pile, ou électro-moteur. — premières expériences faites à londres au moyen de la pile de volta. — décomposition de l’eau par nicholson et carlisle. — expériences de cruikshank, à woolwich, sur la décomposition des sels. — travaux des physiciens allemands, de ritter, simon, etc. — premières recherches de davy sur la pile. — objections faites à volta concernant la théorie de l’électro-moteur.

À sir Joseph Banks, président de la Société royale de Londres[1].

Côme en Milanais, ce 20 mars 1800.

« Après un long silence dont je ne chercherai pas à m’excuser, j’ai le plaisir de vous communiquer, Monsieur, et par votre moyen à la Société royale, quelques résultats frappants auxquels je suis arrivé en poursuivant mes recherches sur l’électricité excitée par le simple contact mutuel des métaux de différente espèce, et même par celui des autres conducteurs aussi différents entre eux, soit liquides, soit contenant quelque humeur à laquelle ils doivent proprement leur pouvoir conducteur.

« Le principal de ces résultats, et qui comprend à peu près tous les autres, est la construction d’un appareil qui ressemble pour les effets (c’est-à-dire pour les commotions qu’il est capable de faire éprouver dans les bras, etc.) aux bouteilles de Leyde, et mieux encore, aux batteries électriques faiblement chargées, qui agiraient cependant sans cesse, et dont la charge, après chaque explosion, se rétablirait d’elle-même ; qui jouiraient en un mot d’une charge indéfectible, d’une action sur le fluide électrique, ou impulsion, perpétuelle ; mais qui d’ailleurs en diffère essentiellement, et par cette action continuelle qui lui est propre, et parce que, au lieu de consister, comme les bouteilles et les batteries électriques ordinaires, en une ou plusieurs lames isolantes, en couches minces de ces corps censés être les seuls électriques, armés de conducteurs ou corps dits non électriques, ce nouvel appareil est formé uniquement de plusieurs de ces derniers corps, choisis même entre les meilleurs conducteurs, et par là les plus éloignés, suivant ce que l’on a toujours cru, de la nature électrique. Oui, l’appareil dont je vous parle, et qui vous étonnera sans doute, n’est qu’un assemblage de bons conducteurs de différentes espèces, arrangés d’une certaine manière. Vingt, quarante, soixante pièces de cuivre, ou mieux, d’argent, appliquées chacune à une pièce d’étain, ou, ce qui est beaucoup mieux, de zinc et un nombre égal de couches d’eau, ou de quelque autre humeur qui soit meilleur conducteur que l’eau simple, comme l’eau salée, la lessive, etc. ; ou des morceaux de carton, de peau, etc., bien imbibés de ces humeurs : de telles couches interposées à chaque couple ou combinaison des deux métaux différents ; une telle suite alternative, et toujours dans le même ordre, de ces trois espèces de conducteurs : voilà tout ce qui constitue mon nouvel instrument, qui imite, comme je l’ai dit, les effets des bouteilles de Leyde ou des batteries électriques, en donnant les mêmes commotions que celles-ci ; qui, à la vérité, reste beaucoup au-dessous de l’activité desdites batteries chargées à un haut point, quant à la force et au bruit de l’explosion, à l’étincelle, à la distance à laquelle peut s’opérer la décharge, etc. ; égalant seulement les effets d’une batterie chargée à un degré très-faible, d’une batterie pourtant ayant une capacité immense ; mais qui d’ailleurs surpasse infiniment la vertu et le pouvoir de ces mêmes batteries, en ce qu’il n’a pas besoin comme elles d’être chargé d’avance au moyen d’une électricité étrangère et en ce qu’il est capable de donner la commotion toutes les fois qu’on le touche convenablement, quelque fréquents que soient ces attouchements.

« Cet appareil, semblable dans le fond, comme je le ferai voir, et même tel que je viens de le construire pour la forme, à l’organe électrique naturel de la torpille, de l’anguille tremblante, etc., bien plus qu’à la bouteille de Leyde et aux batteries électriques connues, je voudrais l’appeler organe électrique artificiel. Et, au vrai, n’est-il pas comme celui-là, composé uniquement de corps conducteurs ? N’est-il pas, au surplus, actif par lui-même, sans aucune charge précédente, sans le secours d’une électricité quel-

  1. Alex. Volta, On the Electricity excited by the mere contact of conducting substances of different kinds. In a Letter to the Right Hon. sir Joseph Banks, P. R. S. (Read June 26, 1800, Philos. Transact. for 1800, part. II, p. 408.)