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de long sur deux lieues de large, et sur le bord occidental de cette île s’étend la petite ville de Valentia, le port le plus à l’ouest de l’Europe.

Valentia est située à l’entrée de la baie de Dingle, au sud-ouest de l’Irlande ; on y montre deux forts construits, dit-on, par Cromwell. Les Skelligs, deux pointes de rochers pittoresques, percent la surface de la mer, à environ trois lieues sud-ouest du port ; l’un de ces écueils, le grand Skellig, est surmonté d’un phare d’une élévation excessive.

Il fut décidé que le Niagara atterrirait le câble à l’extrémité du port de Valentia et le filerait jusqu’à l’épuisement de sa cargaison. Alors l’Agamemnon devait souder, en plein Océan, le bout de l’autre moitié du câble qu’il portait à la portion déjà immergée, et commencer à dérouler cette seconde moitié jusqu’à Terre-Neuve.

On choisit les mois de juin et de juillet pour cette opération. En effet, d’après les observations du commandant Maury, les chances de tempêtes étaient presque nulles pendant ces deux mois. M. Maury précisait davantage en disant que du 20 juillet au 10 août, la mer et l’atmosphère étaient des plus favorables à l’opération. En effet, les relevés météorologiques prouvaient que, depuis cinquante ans, aucun grand orage n’avait eu lieu ni sur les côtes d’Amérique ni sur les côtes d’Irlande pendant cette époque.

Malheureusement, le câble n’était pas parfait. La division du travail entre deux manufactures éloignées, avait rendu impossible l’uniformité de fabrication, et ôté toute responsabilité individuelle. Le fait est qu’une moitié se trouva tressée de gauche à droite, et l’autre de droite à gauche.

Avant de confier le câble aux deux bâtiments chargés d’en opérer l’immersion, on jugea indispensable de s’assurer de son bon état, de sa parfaite conservation, et en même temps de constater, une fois de plus, par avance, que l’électricité se transmettait à travers son immense étendue. On mit donc l’une de ses extrémités en communication avec une puissante pile voltaïque, l’autre extrémité avec un galvanomètre très-sensible, et l’on ferma le circuit : le galvanomètre dévia tout aussitôt.

Ainsi la conductibilité et l’isolement du câble ne laissaient rien à désirer, et il était établi que l’électricité franchirait sans obstacle toute l’étendue qui sépare l’Amérique de l’ancien monde.

Mesurée au magnéto-électromètre de M. Whitehouse, l’action électrique, exercée à la seconde extrémité du câble, était représentée par l’attraction ou le soulèvement d’un poids de 1 gramme 625 : et comme il suffit d’une attraction de 0gr,2 pour produire un signal intelligible sur l’appareil récepteur, il fut démontré par là que, même après avoir parcouru cette immense longueur, le courant aurait beaucoup plus d’intensité qu’il n’est nécessaire pour une correspondance télégraphique.

Ayant constaté, de cette manière, l’excellente conductibilité de cet immense fil télégraphique, et pour continuer le même genre d’essais, on mit, le lendemain, les deux câbles en communication avec la terre par une de leurs extrémités, les deux autres extrémités étant unies, l’une à un manipulateur, l’autre à un récepteur, et l’on fit passer des signaux, comme sur une ligne télégraphique ordinaire. On remarqua alors qu’il fallait un certain temps, un temps même relativement assez long (une seconde trois quarts) pour que le courant arrivât d’une extrémité à l’autre. Mais on s’assura bientôt que l’on pourrait envoyer trois signaux parfaitement intelligibles en deux secondes, ce qui suffit certainement dans la pratique, ou pour les besoins d’une correspondance journalière et régulière.

On croyait avoir réuni toutes les précautions nécessaires pour assurer la réussite de