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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/314

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L’idée de cette substitution appartient à la maison Christofle, qui, propriétaire du procédé Lenoir, ne pouvait l’utiliser que dans des cas restreints. Il fallait, pour composer cette carcasse, un métal inoxydable, comme le platine ou l’or. Peu de métaux sont dans ce cas, le plomb lui-même est, comme on le sait, fort oxydable ; mais les recherches faites dans les ateliers de MM. Christofle, par leur ingénieur et leur chimiste, ont prouvé que, lorsqu’une légère couche d’oxyde s’est formée à la surface de la carcasse de plomb, par laquelle il remplace la carcasse de platine, cette couche d’oxyde, qui enveloppe le métal, la préserve d’une oxydation ultérieure, et permet de consacrer le plomb, métal à bas prix et éminemment malléable, à composer ces carcasses, dont l’utilité, comme conducteur du courant pour les reproductions galvanoplastiques de la ronde-bosse, est d’une évidence si manifeste.

M. Henri Bouilhet, neveu de M. Ch. Christofle, et l’un des chefs actuels de la maison, est aussi l’inventeur d’une disposition très-ingénieuse, qui a procuré immédiatement aux produits de la galvanoplastie des débouchés considérables.

Les objets obtenus en cuivre galvanoplastique, ne consistent, en général, qu’en de très-minces couches ; on peut donner au dépôt de cuivre toute l’épaisseur que l’on désire, mais, en général, le dépôt n’a que quelques millimètres d’épaisseur. En cet état, il n’aurait pu trouver d’applications sérieuses dans l’industrie. M. Henri Bouilhet a eu l’idée de remplir d’un métal à bas prix, ces coquilles de cuivre galvanoplastique, de manière à leur fournir un support résistant, et à leur garantir toute la solidité nécessaire.

Le métal, ou plutôt l’alliage dont M. Bouilhet fait usage, c’est la soudure de laiton, qui est plus fusible que le cuivre rouge. Pour en remplir les coquilles galvanoplastiques, on commence par garnir l’extérieur avec une forte couche d’argile, de plâtre ou de blanc d’Espagne, mélangée de poudre de charbon, et on laisse sécher parfaitement à l’étuve. Cette enveloppe a pour but de permettre au cuivre rouge de supporter, sans se fondre ni se déformer, une haute température. Dans cet état, on remplit de soudure de laiton, aussi fusible que possible et mélangée de borax en poudre, l’intérieur de la pièce ; puis on dirige sur le tout le jet d’une forte lampe à gaz, ou à l’essence, alimentée par un courant d’air. Le laiton ne tarde pas à entrer en fusion et remplit plus ou moins le creux du moule, auquel il communique autant de solidité que s’il était sorti des ateliers du fondeur en cuivre, et lui assure une durée indéfinie.

Ce n’est pas seulement aux produits artistiques que ce moyen s’applique. La galvanoplastie, ainsi renforcée par un métal sans valeur, permet de livrer au commerce une énorme quantité d’objets d’ornement pour l’ébénisterie, qui, précédemment, s’exécutaient en bronze ou en laiton fondu, et qui exigeaient, pour être admis dans le commerce, toutes sortes de manipulations coûteuses, de retouches, d’ébarbages, etc.

Voilà par quel ensemble de moyens s’obtiennent aujourd’hui ces mille objets de cuivre de toute dimension, qui, tantôt conservant la couleur naturelle du cuivre ou prenant celle du bronze, tantôt argentés par la pile, se multiplient chaque jour entre les mains des fabricants français et étrangers. Nous mettons sous les yeux de nos lecteurs un admirable spécimen de statues obtenues par la galvanoplastie, qui donnera l’idée des dimensions auxquelles on peut atteindre aujourd’hui dans des ateliers convenablement établis, quand on confie à la galvanoplastie le soin d’exécuter les productions de l’art de la sculpture.

La figure 175 (page 305) représente un des groupes destinés à décorer la façade du nouvel Opéra de Paris. Ce groupe, modelé par M. Gumery, et qui a 5 mètres de hauteur, a été exécuté en cuivre galvanoplas-