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100 francs. Pressée par les exigences du moment, la Banque fut obligée d’émettre les billets verts de 100 francs, composés et tirés par la maison Firmin Didot. Mais ces billets ne portaient pas les insignes de la Banque de France, et n’offraient point les garanties des billets ordinaires : leur contrefaçon n’était pas impossible et l’événement le prouva. On s’adressa alors à M. Hulot, qui, bien avant cette époque, en 1840, avait été désigné par M. Persil pour concourir à des expériences sur les contrefaçons des monnaies par la galvanoplastie, et qui, plus tard, en 1846, avait été chargé de multiplier, par les procédés électro-chimiques, les types des cartes à jouer pour les contributions indirectes. M. Hulot put graver et multiplier, en deux mois, le billet de 100 francs. Grâce aux moyens qu’il emploie, vingt-quatre reproductions du billet de banque, ainsi que son type original, ne reviennent qu’au prix d’un billet gravé par les procédés ordinaires de gravure. Au moyen de ces multiplications, la Banque pourrait, en six mois, tirer plus de billets qu’elle n’en a produit en vingt ans avec un type unique.

Quand la réforme postale fut accomplie en France, en 1848, et qu’elle dut être mise à exécution, l’ingénieur anglais Perkins demandait au ministre des finances six mois pour lui fournir des timbres-poste à 1 franc la feuille de 240 timbres, c’est-à-dire à un prix très-élevé, et il ne restait pas trois mois à l’administration pour exécuter la loi. Grâce à l’application des procédés de M. Hulot, une économie considérable fut réalisée, et huit jours avant l’époque où la loi devait être mise en pratique, il existait des timbres-poste dans toutes les communes de France, et il en restait huit à dix millions entre les mains de la direction générale.

Comme nous l’avons dit plus haut, la galvanoplastie est mise à profit pour l’exécution et la multiplication des clichés des timbres-poste, des billets de banque et des cartes à jouer ; mais la manière dont elle intervient dans ces opérations constitue une sorte de secret d’État. Bornons-nous à dire que c’est dans les beaux ateliers de la Monnaie de Paris que l’on peut se convaincre des prodiges que la galvanoplastie a pu réaliser entre des mains habiles[1].

  1. Nous pensons qu’à ce propos le lecteur trouvera ici avec plaisir l’extrait suivant d’une lettre de M. Hulot adressée à M. Speiser, de Bâle. Cette lettre renferme de curieux et intéressants détails sur les procédés qui ont servi à la confection des clichés des timbres-poste, et sur les qualités spéciales que l’artiste a su donner aux timbres-poste français dans le but d’en prévenir la contrefaçon.

    Extrait d’une lettre adressée le 25 septembre 1851 par M. Hulot à M. Speiser, à Bâle. — «…… La maison Perkins proposait au ministre des finances, en septembre 1848, d’organiser en six mois l’application de ses procédés, et lui faisait des conditions excessivement onéreuses. Mais la loi portant la réforme postale était exécutoire du 1er janvier 1849. Je pensai arriver en temps utile en appropriant mon système à ce travail ; mes preuves d’ailleurs étaient faites par l’entière réussite des billets de la Banque de France et des cartes à jouer. D’un autre côté, je ne faisais aucune condition à l’administration, organisant les ateliers nécessaires à mes frais et promettant une économie de plus de 200 000 francs sur les frais de la première commande de la poste, calculée au prix de M. Perkins. Le ministre me chargea du travail.

    « Les procédés dont je dispose se prêtaient également à la multiplication de tout genre de gravure en taille-douce comme en taille de relief ; j’avais le choix entre l’impression en taille-douce et l’impression typographique. De nombreuses expériences faites autrefois à la demande de MM. les ministres des finances Humann et Laplagne sur la contrefaçon des timbres légaux, m’avaient démontré que la gravure en relief ou typographique est celle qui offre le plus de garanties contre le faux, en admettant qu’elle soit exécutée dans certaines conditions spéciales, et imprimée de manière à rendre à la fois le report sur pierre lithographique et sur métal absolument impropre à produire des épreuves, et à paralyser complètement les procédés anastatiques, chimiques, électro-chimiques et photographiques, etc.

    « Certain d’atteindre un tel résultat pour mes timbres, je m’arrêtai au système typographique. J’étais encore confirmé dans ce choix par l’exemple de la Banque de France, dont les billets, en taille de relief, ne sont point contrefaits sérieusement, quand ceux en taille-douce des autres pays le sont si fréquemment et si facilement.

    « Le coin type fut gravé en cinq semaines. Dans un temps égal, les ateliers de fabrication furent créés, et les planches portant 300 timbres exécutées. Quelques jours de tirage avec des presses à bras ordinaires, à raison de 1 200 000 timbres-poste par jour, me suffirent pour livrer à la direction générale des postes l’approvisionnement abondant de tous ses bureaux ; les timbres purent être répandus dans toutes les communes de France, en Corse et en Algérie, avant le 1er janvier 1849, bien qu’il en restât près de 10 millions en magasin.

    « Les timbres-poste, aujourd’hui de cinq valeurs diffé-