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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/327

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Parlons enfin de la gravure directe des planches de cuivre par le courant galvanique. Tout le monde sait que pour obtenir une gravure à l’eau-forte, on commence par recouvrir une planche polie, de cuivre ou d’acier, d’une couche de cire et de vernis. Le graveur dessine alors, sur cette couche, avec une pointe fine, de manière à mettre le métal à nu. Il place ensuite cette planche dans un vase plat, et verse dessus de l’acide azotique (eau-forte) étendu d’eau. L’acide attaque et dissout le métal jusqu’à une profondeur suffisante pour loger l’encre d’impression. M. Smée, praticien anglais, auteur d’un ouvrage sur la Galvanoplastie, fort diffus et passablement obscur[1], a imaginé de remplacer l’eau-forte par l’action chimique qui s’exerce sur un métal quand on le place au pôle positif d’une pile voltaïque.

La plupart des opérations dont nous avons parlé jusqu’ici, se forment au pôle négatif de la pile ; c’est là que s’accomplissent, comme on l’a vu, tous les dépôts métalliques. Mais il se passe au pôle positif une autre action chimique, dont on a su très-ingénieusement tirer parti. Dans la décomposition électrochimique d’un sel, en même temps que le métal se trouve réduit au pôle négatif, l’oxygène et l’acide se rendent au pôle positif, et si, comme nous l’avons dit en parlant des anodes solubles, on dispose à ce pôle une lame métallique, celle-ci se trouve peu à peu attaquée et dissoute par l’action réunie de l’oxygène et de l’acide libre. Ce fait, sur lequel M. Jacobi a fondé l’emploi des anodes, a servi à M. Smée à obtenir ce curieux résultat de graver directement par le courant galvanique une planche de cuivre. Voici comment ce physicien recommande d’opérer. La planche métallique, recouverte de cire ou de vernis sur ses deux faces, reçoit, comme à

    rentes, sont imprimés en couleurs distinctes, sur des papiers teintés en diminutif de la couleur de l’impression. L’impression noire est abandonnée dans un intérêt de service (le noir est réservé pour l’annulation).

    « Le gommage des feuilles, qui s’opère d’une manière très-simple, n’a rien de malsain ni de repoussant comme celui des postage-stamps anglais. Il ne rend pas la gravure indistincte en la noircissant par la transparence du papier, comme cela arrive le plus souvent aux timbres-poste anglais, à ceux de l’Union américaine et d’ailleurs. Il adhère facilement et très-parfaitement aux lettres, en conservant toujours beaucoup de flexibilité.

    « L’oblitération ou annulation, qui se pratique dans les bureaux de poste à l’aide d’une encre typographique noire très-commune, est complète et entièrement à l’abri du lavage ; des expériences multipliées et très-décisives l’ont prouvé.

    « Un des caractères particuliers du timbre-poste typographique qui le ferait distinguer au premier coup d’œil de toute imitation par tout procédé de gravure, c’est la fermeté des tailles et du trait et la netteté de l’impression ; ces qualités précieuses, qui font résister le papier et la gravure à l’action noircissante du gommage et au froissement réitéré de la circulation, permettent toujours aux employés des postes et au public l’examen véritable des petites images. Ce caractère manque tout à fait aux timbres dus au système Perkins, dont la garantie consiste en beaucoup de finesse et de douceur, qualités inappréciables pour les employés et le public qui n’examinent pas à la loupe, et que la mauvaise fabrication remplace le plus souvent par un ton douteux et sali favorable à la contrefaçon. Ce défaut provient encore de l’imperfection du gommage, ou du moindre froissement entre des papiers et dans les poches.

    « Avec quelque talent et de la patience, il est incontestable que le timbre en taille-douce peut être contrefait par la taille-douce ou par le report anastatique. Il n’est pas douteux, d’un autre côté, que toute contrefaçon de mes timbres typographiques est impossible par le report, et que toute imitation par un procédé de gravure en taille-douce quelconque ou de lithographie sera toujours reconnue à l’aspect seul, c’est-à-dire sans examen minutieux. La distribution de l’encre offre d’ailleurs un caractère essentiel et convaincant pour l’expert.

    « La gravure d’épargne et en relief sur acier d’un timbre typographique présentant les garanties que je cherche, exige un graveur habile et expérimenté ; on en compte peu en France, moins encore à l’étranger. Le graveur, auteur du type primitif, ne se copierait pas exactement, quel que fût d’ailleurs son talent.

    « D’un autre côté, la contrefaçon par feuilles de timbres paraît seule capable de tenter la cupidité d’un faussaire habile ; or, en admettant un type contrefait, il faudrait encore composer une planche ; et mon procédé est l’unique qui permette de multiplier identiquement des planches et gravure d’épargne, comme celle des billets de la Banque de France, des cartes à jouer et des timbres-poste. En outre, mes planches d’un seul morceau de métal, capables de tirer plusieurs centaines de millions de timbres, sans altération, sont composées de timbres espacés entre eux avec une rigueur toute mathématique et suivant des lignes absolument droites et perpendiculaires entre elles, résultat que ne peut atteindre aucun moyen mécanique ou artistique connu. Il y a donc lieu de penser et de dire que, si mon système typographique est supérieur au procédé de taille-douce sidérographique dans la pratique postale, il le dépasse également en garantie et sous le rapport économique, etc. »

  1. Manuel de Galvanoplastie, par M. Smée, traduit par E. de Valicourt, 2 vol. in-12, Paris, 1860, chez Roret.