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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/39

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Hanovriens, sous les ordres du duc d’York. Luxembourg et Namur étaient occupés par le prince de Hohenlohe, avec 30 000 Allemands. Enfin 76 000 hommes, commandés par le roi de Prusse et le général Würmser, étaient échelonnés entre les Vosges et Lauterbourg.

40 000 Piémontais, appuyés par 8 000 Autrichiens, avaient franchi les Alpes, et menaçaient le Midi ; et tandis que les défilés des Pyrénées étaient occupés par 22 000 Espagnols, Toulon était aux mains des Anglais.

D’un autre côté, Lyon, qui s’était insurgé contre la Convention, arborait ouvertement le drapeau de la révolte, après avoir chassé les représentants du peuple. La Vendée avait, de son côté, pris les armes contre la République.

Pour faire face à tant d’ennemis au dehors, à tant de révoltes au dedans, la Convention disposait de 400 000 hommes, à peine. Ces hommes étaient mal vêtus, mal nourris, mal disciplinés, mal payés.

Il est évident qu’une découverte comme celle du télégraphe de Chappe, qui devait permettre aux chefs d’armée de correspondre rapidement entre eux, et qui donnait aux villes assiégées, la faculté de faire passer des signaux et des dépêches par-dessus le front des corps assiégeants, était un sourire que la Providence adressait à la France au milieu de ses angoisses.

C’est ce que comprit le Comité de salut public. C’est pour cela qu’il décida que des télégraphes seraient placés aux abords des villes assiégées, et que les lignes à établir partiraient de l’extrémité des frontières, c’est-à-dire de Lille et de Landau, pour aboutir à Paris. Il plaça les télégraphes sous la direction du ministre de la guerre ; mais il s’en réserva la direction supérieure, et le ministre ne dut se servir des télégraphes que d’après ses ordres.

Les frères Chappe furent mis à la tête de l’administration des télégraphes. Mais comme ils ne pouvaient suffire, à eux seuls, à l’organisation d’un service si nouveau, on leur adjoignit d’abord, en qualité de commissaire du gouvernement, le citoyen Garnier, qui ne conserva que peu de temps ces fonctions ; ensuite le citoyen Delaunay (l’inventeur du vocabulaire) et les citoyens Brunet et Barcon, amis des frères Chappe.

La République n’était pas seulement menacée par toute sorte de périls, extérieurs et intérieurs. Elle était fort pauvre. Aussi le Comité de salut public recommanda-t-il la plus sévère économie dans l’autorisation des dépenses nécessaires pour la construction des machines et des postes télégraphiques. Dans son rapport à la Convention, Lakanal avait proposé de construire les appareils et d’aménager les stations avec des objets faisant partie du mobilier de l’État. Cette idée fut mise en pratique. Les lunettes d’approche, comme les lits, les chaises, les tables, et tout le matériel qui pouvait s’adapter à cette destination nouvelle, furent tirés des magasins de l’État. On poussa l’économie jusqu’à décider que les télégraphes qui avaient servi aux expériences exécutées par Chappe, devant les commissaires de la Convention, seraient enlevés et transportés sur la ligne en construction[1].

D’après les devis présentés par Chappe, qui étaient basés sur les plus stricts besoins, le Comité de salut public mit à la disposition du ministre de la guerre, la somme de 166 240 francs, pour construire la ligne de Lille à Paris. Il faut remarquer, pour réduire ce chiffre à sa véritable signification, que cette somme de 166 240 francs était en assignats, et que déjà les assignats avaient perdu 40 p. 100 de leur valeur nominale. Avec cette réduction, la somme qui était mise à la disposition de l’ingénieur-télégraphe, pour conserver le nom officiel que portait Claude Chappe, ne représentait guère que 80 à 90 000 francs.

C’était assurément un grand point que d’avoir

  1. É. Gerspach, Histoire de la télégraphie aérienne en France, p. 28.