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spectacle, ils furent reconduits avec les mêmes applaudissements ; ils soupèrent chez M. le commandant, et l’on ne cessa pendant toute la nuit de leur donner des sérénades.

« Deux jours après, M. Pilâtre de Rozier, ayant paru au bal, y reçut de nouveaux témoignages de la plus vive admiration ; et le jeudi 22, lorsqu’il partit pour Dijon, pour se rendre de là à Paris, il fut accompagné comme en triomphe par une cavalcade nombreuse des jeunes gens les plus distingués de la ville. »

Cependant l’opinion générale était pour les mécontents. On chansonna les voyageurs, on chansonna l’aérostat lui-même ; on fut injuste envers les hardis matelots du Flesselles. C’est ainsi que le Journal de Paris, qui raconte avec tant de complaisance les ascensions aérostatiques de cette époque, ne consacre que quelques lignes au récit de ce voyage, qu’il avait annoncé trois mois auparavant avec beaucoup de pompe. Enfin on fit courir, à Paris, le quatrain suivant :

Vous venez de Lyon, parlez-nous sans mystère :
Le globe est-il parti ? Le fait est-il certain ?
— Je l’ai vu. — Dites-nous, allait-il bien grand train ?
— S’il allait… Oh ! monsieur, il allait ventre à terre.

L’épigramme et l’esprit étaient l’arme innocente de ces temps heureux.

Le quatrième voyage aérien se fit en Italie. Le chevalier Paul Andreani fit construire à ses frais, par les frères Gerli, architectes, une montgolfière destinée à recevoir des voyageurs. Cet esquif aérien était de grande dimension. Composé de toile revêtue à l’intérieur d’un papier mince, il n’avait pas moins de 20 mètres de diamètre, et sa forme était exactement sphérique. Le fourneau, destiné à recevoir les matières combustibles, était placé près de l’ouverture inférieure, sur un cercle de cuivre, porté par quelques traverses de bois fixées sur l’encadrement de l’ouverture circulaire du ballon.

On a vu par le dessin du ballon du marquis d’Arlandes, et par celui du Flesselles, que dans ces montgolfières les voyageurs étaient placés sur une galerie entourant l’extérieur de l’ouverture du ballon. Paul Andreani remplaça cette galerie circulaire par une nacelle d’osier semblable à celle dont Charles avait fait usage. Elle était suspendue par des cordes, au cercle qui formait l’encadrement de l’orifice du ballon, et elle était placée à une distance telle de l’ouverture du ballon que l’on pût alimenter le feu avec la main ou avec une fourche, sans être incommodé par la chaleur du foyer.

La montgolfière, ainsi disposée, fut portée à la maison de campagne du chevalier Andreani, où l’on s’occupa, avant de procéder au départ, de chercher les meilleures dispositions, tant pour la distance respective où il fallait placer le réchaud et la nacelle, que pour la nature des substances combustibles à employer. On trouva que le meilleur combustible était le bois de bouleau bien sec, et ensuite, une pâte faite de matières bitumineuses.

L’ascension eut lieu à Milan, le 25 février 1784. Le feu ayant été allumé, la montgolfière se gonfla entièrement en moins de quatre minutes. On coupa les cordes, et la machine emporta avec lenteur Andreani et les frères Gerli.

Elle s’éleva à une si grande hauteur, que les spectateurs la perdirent entièrement de vue. Comme le vent les portait vers des collines voisines, sur lesquelles la descente aurait été difficile, et que la provision de combustible était sur le point de s’épuiser, nos voyageurs jugèrent à propos de descendre, après deux heures de promenade dans les airs.

La machine s’abattit lentement, à la lisière d’un bois voisin de Milan. Les voyageurs aériens appelèrent, au moyen d’un porte-voix, les paysans, qui leur donnèrent un concours intelligent, les aidèrent à descendre, et ramenèrent la montgolfière, encore à demi gonflée, au moyen des cordes qui en pendaient, jusqu’à l’endroit même d’où elle était partie. La disposition du fourneau avait été