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tions, et le prince de Cobourg, ignorant la reddition de Charleroi, avait porté sur ce point sa plus formidable colonne, espérant nous prendre à revers ; mais aussitôt que cette colonne avait paru devant Charleroi, l’artillerie des remparts avait ouvert un feu épouvantable, et l’effroi causé par la surprise avait été tel, que les canonniers autrichiens avaient coupé les traits des chevaux, abandonné leurs pièces, et qu’une déroute totale s’en était suivie. La journée était donc nôtre, nous rentrions à Charleroi mourants de faim et de fatigue ; l’aérostat avait été élevé pendant dix heures consécutives, et sans prétendre ridiculement qu’on lui devait le gain de la bataille, on ne peut nier que son effet matériel et moral n’ait participé au succès ; nous sûmes d’une manière positive que l’aspect de cette magnifique tour, improvisée au milieu d’une plaine, où rien ne gênait l’observation, avait porté une espèce de découragement parmi les soldats étrangers qui n’avaient aucune idée d’une chose pareille. Les mouvements de l’artillerie et des masses ennemies avaient été signalés au général Jourdan aussitôt qu’effectués, et s’ils étaient changés ou modifiés, une communication du général Morelot en prévenait sur-le-champ, et cet avantage était immense ; malgré cela, sans la reddition de Charleroi, il est probable que nous nous en serions fort mal tirés[1]. »


CHAPITRE X

suite des opérations des aérostats militaires. — organisation de la seconde compagnie d’aérostiers. — création de l’école aérostatique de meudon. — les aérostats en égypte. — bonaparte supprime le corps des aérostiers militaires.

Après la bataille de Fleurus, l’armée française ayant fait un mouvement en avant, la compagnie des aérostiers la suivit, continuant presque chaque jour, ses reconnaissances aériennes.

On était près des hauteurs de Namur, lorsqu’un accident mit l’aérostat l’Entreprenant hors de service. Quelques-uns des porteurs ayant lâché la corde, l’aérostat fut poussé contre un arbre, qui le déchira du haut en bas. Coutelle retourna aussitôt à Maubeuge, où il espérait trouver un nouvel aérostat, le Céleste, envoyé de l’école de Meudon. Comme on ne l’avait pas encore expédié, il partit aussitôt pour Paris, afin d’en hâter l’envoi ; puis il retourna à l’armée.

Bientôt l’aérostat le Céleste fut envoyé de Meudon. Mais il avait été mal construit, et ne pouvait emporter qu’une seule personne. Sa forme était cylindrique, ce qui le rendait d’une manœuvre très-difficile. On l’essaya à Liège, mais sans aucun succès.

« Les cordes d’ascension, dit Coutelle, étaient fixées sur chacun des deux grands côtés ; mais une des extrémités du cylindre se présenta au vent comme lui opposant une moins grande résistance. Les deux cordes alors se rapprochèrent de cette partie du cylindre, et le ballon ne fut plus retenu que par son centre. L’autre partie, sous le vent, en reçut un mouvement pendulaire qui porta alternativement la nacelle sur chacune des deux cordes, ce qui rendait l’observation non-seulement impossible, mais dangereuse[2]. »

L’appareil fut donc renvoyé à Meudon, et l’on se servit de l’Entreprenant, qui avait été réparé.

Les aérostiers suivaient toujours les marches de l’armée. Après plusieurs reconnaissances, faites pour le service des généraux qui commandaient différents corps, les aérostiers passèrent la Meuse, en bateau, pour se diriger sur Bruxelles.

Dans ce trajet, le ballon fut poussé par le vent, contre un éclat de bois, qui le coupa à sa partie inférieure, et lui fit perdre une grande quantité de gaz. Coutelle fit alors former, au moyen d’une simple ficelle, une grande enceinte qui fut respectée par une multitude de curieux et de soldats, attirés par ce spectacle. L’accident fut réparé, et Coutelle rejoignit l’armée, quatre jours après.

Arrivé à Borcette, près d’Aix-la-Chapelle, ville où l’armée fit un assez long séjour, Coutelle créa un nouvel établissement où l’on répara et reconstruisit à nouveau le matériel endommagé.

Pendant que ces événements se passaient

  1. Mémoires cités, pages 41-50.
  2. Récit du capitaine Coutelle cité par G. de Gaugler, dans sa brochure Les compagnies d’aérostiers militaires sous la République. Paris, 1857, in-8o, page 10.