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de ce temps. Il s’agit de Simon le Magicien.

Simon de Samarie n’était pas un jongleur vulgaire. C’était un thaumaturge, dont les puissants arcanes avaient su imposer également à la multitude et à Néron lui-même. Il était aussi admiré des païens que des nouveaux chrétiens ; les uns et les autres auraient voulu faire tourner ses prodiges à leur profit. Entre saint Pierre et Simon le Magicien il s’était établi une rivalité, qui se termina par ce que les historiens du temps nomment le combat apostolique et que nous allons raconter.

Simon le Magicien avait l’habitude de faire garder sa porte par un gros dogue, qui dévorait tous ceux que son maître ne voulait pas laisser entrer. Saint Pierre, voulant parler à Simon, ordonna au chien d’aller lui dire, en langage humain, que Pierre, serviteur de Dieu, le demandait. Devenu aussi doux qu’un mouton, mais plus intelligent, le chien s’acquitta de la commission à la grande stupéfaction du magicien. Pour prouver néanmoins à saint Pierre qu’il était aussi fort que lui, Simon ordonna à son dogue fidèle, d’aller répondre à saint Pierre qu’il pouvait entrer. C’est ce que le docile animal exécuta sur-le-champ. À prodige, prodige et demi.

Pour prendre sa revanche et rétablir son prestige de magicien, un peu compromis par le miracle de saint Pierre, Simon de Samarie annonça à la cour de Néron, qu’à un jour fixé, il s’élèverait de terre, et parcourrait les airs, sans ailes, ni char, ni appareil d’aucune sorte. Tout le peuple s’assembla, pour être témoin de ce spectacle extraordinaire. Mais au moment où le magicien s’élançait du haut d’une tour, pour accomplir le prodige annoncé, saint Pierre se mit en prières, et par la puissance de sa volonté, arrêta dans son vol, le magicien. Simon tomba lourdement sur le sol, et se cassa les jambes dans sa chute. Toutefois il ne perdit point la vie à la suite de cet accident.

Personne n’ignore, en effet, comment mourut Simon le Magicien. Il avait annoncé que, si on lui tranchait la tête, il ressusciterait trois jours après. Néron le prit au mot, et le fit décapiter.

On peut expliquer sans miracle, le fait historique de la tentative de vol aérien, faite par Simon de Samarie. Il avait probablement fabriqué des ailes factices, qui, appliquées à son corps, devaient lui donner la faculté de voler. Mais l’appareil étant sans doute mal conçu, se détraqua en l’air, et le maladroit mécanicien alla mesurer la terre.

On raconte un fait du même genre, qui serait arrivé pendant le douzième siècle, à Constantinople, sous le règne de l’empereur Emmanuel Commène :

« Un Sarrasin qui passait d’abord pour magicien, mais qui ensuite fut reconnu pour fou, monta, de lui-même, sur la tour de l’Hippodrome. Cet imposteur se vanta qu’il traverserait, en volant, toute la carrière. Il était debout, vêtu d’une robe blanche, fort longue et fort large, dont les pans retroussés avec de l’osier, lui devaient servir de voile pour recevoir le vent. Il n’y avait personne qui n’eût les yeux fixés sur lui et qui ne lui criât souvent : Vole, vole, Sarrasin, et ne nous tiens pas si longtemps en suspens, tandis que tu pèses le vent. » L’empereur, qui était présent, le détournait de cette entreprise vaine et dangereuse. Le sultan des Turcs, qui se trouvait dans ce moment à Constantinople, et qui était aussi présent à cette expérience, se trouvait partagé entre la crainte et l’espérance ; souhaitant d’un côté qu’il réussît, il appréhendait de l’autre qu’il ne pérît honteusement. Le Sarrasin étendait quelquefois les bras pour recevoir le vent ; enfin, quand il crut l’avoir favorable, il s’éleva comme un oiseau, mais son vol fut aussi infortuné que celui d’Icare, car le poids de son corps ayant plus de force pour l’entraîner en bas que ses ailes artificielles n’en avaient pour le soutenir, il se brisa les os, et son malheur fut tel, que l’on ne le plaignit pas[1]. »

L’illustre et malheureux Roger Bacon, dans son ouvrage De secretis operibus artis et naturœ, où il jette un coup d’œil de génie sur une foule de questions mécaniques et physiques, a admis la possibilité de construire des machines volantes.

  1. Histoire de Constantinople, par M. Cousin, cité dans l’Essai sur l’art du vol aérien, in-12. Paris, 1784, pages 35-36.