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construit une machine à voler. Le célèbre artiste de la Renaissance, qui fut en même temps peintre, chimiste, mécanicien et physicien de premier ordre, avait assez de génie pour aborder une telle entreprise.

« Léonard de Vinci, dit M. Libri, étudia longuement le mouvement des animaux et le vol des oiseaux. Il avait entrepris ces recherches pour essayer s’il serait possible de faire voler les hommes[1]. »

M. Libri cite, en note, un passage du manuscrit de Léonard de Vinci, relatif à cette question.

En 1670, un jésuite de Brescia, nommé Lana, publia un ouvrage intitulé Prodromo dell’arte maestro. Le quatrième livre est consacré à décrire la construction d’un vaisseau volant, et cette description est accompagnée d’une figure gravée.

Le dessin du vaisseau volant de Lana, qui fut reproduit par Faujas de Saint-Fond, dans son ouvrage sur les Expériences aérostatiques, publié en 1783, donna alors beaucoup à penser. On s’imagina, mais bien faussement, que les frères Montgolfier avaient pu emprunter quelque chose à l’ouvrage du jésuite italien. Il suffit de lire l’auteur original pour dissiper ces préjugés.

Ce prétendu vaisseau volant est un objet de pure fantaisie. C’est une de ces rêveries, comme on en trouve tant dans les ouvrages de cette époque, où le fantastique tient trop souvent la place de la réalité scientifique. Écoutons, en effet, ce qu’en dit l’auteur.

Ce vaisseau devait être à mâts et à voiles. Il porterait à la poupe et à la proue deux montants de bois surmontés chacun, à leur extrémité, de deux globes de cuivre. Lana assure que si l’on chasse l’air contenu dans ces boules de cuivre, ou si l’on y fait le vide, pour employer le langage d’aujourd’hui, ces globes, étant devenus plus légers que l’air environnant, s’élèveront dans l’atmosphère et entraîneront le vaisseau. Nous n’avons pas besoin de montrer ce qu’avait d’illusoire une idée semblable. D’ailleurs les moyens que le père Lana propose pour chasser l’air des globes de cuivre sont dépourvus de bon sens.

Nous représentons (fig. 292, page 513) le bateau volant de Lana, d’après la figure originale que l’on trouve reproduite dans l’ouvrage de Faujas de Saint-Fond. Mais il est bien entendu, nous le répétons, que ce n’est là qu’une pure fantaisie, un caprice de l’imagination, sans aucun fondement réel.

Un autre religieux, le P. Galien, d’Avignon, a écrit, en 1755, un petit livre sur l’art de naviguer dans les airs. À l’époque de la découverte des aérostats, quelques, personnes prétendirent encore, que les frères Montgolfier avaient puisé dans le livre oublié du père Galien, le principe de leur découverte. Les inventeurs dédaignèrent de combattre cette assertion. L’ouvrage du père Galien n’est, en effet, qu’un simple jeu d’esprit, une sorte de rêverie, qui serait peut-être amusante si l’auteur ne voulait appuyer sur des chiffres et des calculs les fantaisies de son imagination.

Le P. Galien suppose que l’atmosphère est partagée en deux couches superposées, de plus en plus légères à mesure qu’on s’éloigne de la terre.

« Or, dit-il, un bateau se maintient sur l’eau, parce qu’il est plein d’air, et que l’air est plus léger que l’eau. Supposons donc qu’il y ait la même différence de poids entre les couches supérieures de l’air et les inférieures, qu’entre l’air et l’eau ; supposons aussi un bateau qui aurait sa quille dans l’air supérieur, et ses fonds dans une autre couche plus légère, il arrivera à ce bateau la même chose qu’à celui qui plonge dans l’eau. »

Le père Galien ajoute qu’à la région de la grêle, il y a dans l’air une séparation en deux couches, dont l’une pèse 1, quand l’autre pèse 2. Donc, dit-il, en mettant un vaisseau dans la région de la grêle, et en élevant ses bords de quatre-vingt-trois toises au-dessus, dans la région supérieure, qui est

  1. Histoire des sciences mathématiques en Italie. Paris, in-8, 1840, t. III, page 44.