Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/648

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arrivant à Boston, il se rendit chez son ancien associé Morton, et lui fit part de ce qu’il avait observé. Il vit le même jour le docteur Jackson, qu’il instruisit des mêmes faits. Il se rendit ensuite, accompagné de Morton, chez un professeur de la Faculté, le docteur Georges Hayward, et lui proposa d’employer le gaz hilarant dans l’une de ses prochaines opérations. M. Hayward accepta cette offre avec empressement : seulement aucune opération ne devait avoir lieu à l’hôpital avant deux ou trois jours ; trouvant ce délai trop long, Horace Wels et Morton allèrent trouver un autre professeur, le docteur Charles Warren. Celui-ci accepta la proposition sans difficulté : « Tenez, leur dit-il, cela se rencontre à merveille ; nos élèves se réunissent ce soir à l’hôpital pour s’amuser à respirer de l’éther. Vous profiterez de l’occasion, et vous trouverez là des spectateurs tout prêts pour une expérience publique. Préparez donc votre gaz, et rendez-vous à l’amphithéâtre. Nous ferons l’essai sur un malade à qui l’on doit extraire une dent. »

Tout se passa comme il avait été dit. Le soir venu, Morton prit ses instruments, et se rendit avec son confrère à la salle des opérations. Les élèves étaient déjà réunis depuis longtemps. Horace Wels administra le gaz au malade, et se mit en devoir d’arracher la dent. Mais par suite de la variabilité d’action du protoxyde d’azote, ou par l’effet de sa mauvaise préparation, le gaz ne produisit aucun résultat ; le patient poussa des cris, les spectateurs se mirent aussitôt à rire et à siffler, et la séance se termina à la confusion du malheureux opérateur.

Horace Wels se retira le cœur serré. Le lendemain il fit remettre à Morton ses instruments, et repartit pour Hartford. Le triste résultat de cette expérience et le chagrin qu’il éprouva de son échec lui occasionnèrent une grave maladie. Revenu à la santé, il abandonna sa profession de dentiste et se mit à diriger une exposition d’oiseaux.

Ce n’est que deux ans après cette époque que le nom du docteur Jackson apparaît pour la première fois dans l’histoire de l’éthérisation. Reçu docteur en médecine à l’université de Harward en 1829, Charles Jackson avait été de bonne heure attiré en Europe par le désir d’y perfectionner ses connaissances. Il avait séjourné quelques années à Paris et à Vienne, s’occupant de l’étude des sciences accessoires à la médecine, et particulièrement de géologie et de chimie. De retour à Boston, il ne tarda pas à abandonner la médecine pour se consacrer tout entier à des travaux de chimie analytique et de géologie. Les belles recherches qu’il exécuta sur la géologie de plusieurs contrées des États-Unis le firent bientôt distinguer dans cette partie des sciences, et sa réputation parvint jusqu’en Europe, où il était connu comme le plus habile des géologues américains. Nommé inspecteur des mines du Michigan, il ouvrit à Boston des cours publics de chimie, et il recevait dans son laboratoire un certain nombre d’élèves qui s’exerçaient, sous sa direction, aux travaux de chimie.

Les expériences de Davy sur le gaz hilarant, les tentatives d’Horace Wels pour tirer parti des propriétés de ce gaz, enfin la connaissance généralement répandue en Amérique de l’ivresse particulière occasionnée par les vapeurs d’éther, amenèrent Charles Jackson à examiner de plus près ces faits, dont l’importance était facile à comprendre. Il essaya sur lui-même l’action de l’éther, et reconnut ainsi que son inspiration, faite avec les précautions nécessaires, ne s’accompagne d’aucun danger. En effet, bien avant qu’il songeât à s’occuper de cette question, l’ivresse amenée par l’éther sulfurique était, comme nous l’avons dit, généralement connue en Amérique, mais elle était regardée comme dangereuse. Des jeunes gens qui, dans les laboratoires de chimie, avaient respiré trop longtemps les vapeurs d’éther, en avaient éprouvé des résultats fâcheux. Le