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cipaux auteurs de cette découverte, Horace Wels, se donnait la mort aux États-Unis. Une éducation scientifique plus complète, un concours de circonstances plus favorables, avaient seuls manqué au pauvre dentiste pour conduire à leurs dernières conséquences les faits dont il avait eu les prémisses. Après son échec dans la séance publique de l’hôpital de Boston, dégoûté de la triste issue de ses tentatives, il avait, comme nous l’avons dit, abandonné sa profession, et menait à Hartford une existence assez misérable, lorsque le succès extraordinaire de la méthode anesthésique vint le surprendre et le déchirer de regrets. Il passa aussitôt en Europe pour faire valoir ses droits auprès des corps savants. Mais la question historique relative à l’éthérisation, était encore fort obscure à cette époque, et les documents positifs manquaient pour justifier ses réclamations. La véracité des dentistes est un peu suspecte dans les deux hémisphères. À Londres, où il se rendit d’abord, Horace Wels fut éconduit partout ; il ne fut pas plus heureux à Paris, où il passa une partie de l’hiver de 1857. Dévoré de misère et de chagrin, il revint aux États-Unis, et c’est là qu’il mit fin à ses jours.

Les circonstances de sa mort ont quelque chose de profondément douloureux. Il se plaça dans un bain, s’ouvrit les veines, et respira de l’éther jusqu’à perte de connaissance. Il voulut s’envelopper, pour franchir le seuil du tombeau, de cette découverte dont il avait espéré la gloire, et qui ne lui réservait que la triste consolation d’épargner à son agonie, l’angoisse des derniers instants. Sa mort passa inaperçue ; il n’y eut pas un regret ni une larme sur sa tombe.

Pendant qu’Horace Wels périssait misérablement dans sa patrie, Jackson recevait le prix Monthyon des mains de l’Institut de France, et Morton additionnait les bénéfices qu’il avait recueillis de la vente de ses droits. La postérité sera moins ingrate ; elle conservera un souvenir de reconnaissance et de pitié à cet obscur et malheureux jeune homme qui, après avoir contribué à enrichir l’humanité d’un bienfait éternel, est mort désespéré dans un coin du nouveau monde.


CHAPITRE V

découverte des propriétés anesthésiques du chloroforme.

C’est surtout aux travaux des chirurgiens français qu’appartient l’honneur d’avoir perfectionné la méthode anesthésique, d’avoir régularisé et étendu ses applications. Telle qu’elle nous était arrivée d’Amérique, la question en était réduite à la connaissance des effets de l’éther. Mais à côté de ce fait capital, il restait encore un grand nombre de points secondaires dont la solution était indispensable pour son application définitive aux besoins de la chirurgie. Il fallait rechercher à quelle catégorie d’opérations on peut appliquer avec sécurité les moyens anesthésiques et celles qui contre-indiquent leur emploi ; — perfectionner les appareils destinés à l’administration de l’éther ; — rechercher si de nouvelles substances ne jouiraient point de propriétés analogues ; — étudier enfin, au point de vue physiologique, la nature et la cause des étranges perturbations provoquées dans le système vivant par l’action de l’éther, et porter même les investigations de ce genre sur le côté psychologique du problème. C’est en France que toutes ces questions ont été abordées et en partie résolues, et l’on doit reconnaître que si l’honneur de cette découverte appartient, dans son principe et dans ses faits essentiels, à l’Angleterre et aux États-Unis, le mérite de sa constitution scientifique revient à notre patrie. Suivons donc les perfectionnements qui ont été apportés à la méthode américaine depuis son introduction en France.

L’éthérisation offrait à la science un champ