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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/682

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Le défaut de surveillance dans l’administration de l’éther, qui fut probablement employé de manière à amener l’asphyxie par privation d’air, et en outre l’insuffisance des moyens mis en usage pour ramener le malade à la vie, marquent suffisamment la cause de cette mort.

Jusqu’à la fin de 1848, les dangers liés à l’emploi des anesthésiques, restèrent donc enveloppés de beaucoup de doutes. Parmi tous les cas de mort attribués à l’éther, il n’en était pas un seul dans lequel on ne pût rapporter à une autre circonstance, la cause des accidents, et ces événements, perdus d’ailleurs au milieu d’une masse innombrable de faits contraires, n’avaient eu d’autre résultat que celui d’inspirer aux chirurgiens, une prudente réserve dans l’administration d’une substance qui, employée sans discernement, pouvait amener de fâcheux mécomptes. Mais la scène changea à l’apparition du chloroforme. Deux mois s’étaient à peine écoulés, depuis que M. Simpson avait fait connaître sa découverte, lorsque quelques événements funestes vinrent réveiller les premières alarmes. La rapidité avec laquelle le chloroforme exerce son action faisait assez comprendre, qu’entre des mains inexpérimentées ou inhabiles, il pourrait provoquer de dangereux accidents. M. Sédillot le comprit le premier, et dans la séance de l’Académie de médecine, du 25 janvier 1848, il communiquait ses craintes aux chirurgiens. Ses prévisions ne tardèrent pas à se réaliser. Quelques faits, observés d’abord en Angleterre et bientôt après en France, vinrent jeter sur la question de sinistres lumières. Il ne s’agissait plus de ces cas problématiques, offrant à la discussion d’inépuisables ressources ; il ne s’agissait plus, comme avec l’éther, de morts survenues quelques heures ou quelques jours après l’administration des vapeurs anesthésiques : c’est pendant la durée de l’opération et sous le couteau du chirurgien, que les individus avaient expiré ; commencée sur un malade, l’incision s’était achevée sur un cadavre. La mort était même arrivée quelquefois avant le commencement de l’opération, et lorsque le malade respirait encore les vapeurs anesthésiques : avant que la main du chirurgien fût armée, l’individu était tombé comme frappé de la foudre.

Au mois de juillet 1848, un événement déplorable arrivé à Boulogne arracha les derniers voiles qui cachaient une vérité pénible. Mademoiselle Stock, soumise, pour une opération de peu d’importance, à l’action du chloroforme, tomba comme foudroyée, entre les mains du chirurgien. La justice ayant cru devoir intervenir dans cette affaire, le ministre demanda à l’Académie de médecine des éclaircissements à l’occasion de ce fait, et le chirurgien incriminé ayant, de son côté, transmis à la même Société savante, tous les détails de l’événement, l’Académie s’occupa aussitôt d’étudier, avec toute l’attention qu’il exigeait, cet important problème.

Une commission ayant été instituée dans le sein de l’Académie de médecine, Malgaigne, choisi comme rapporteur, présenta à l’Académie, au mois de novembre 1848, un rapport développé sur cette question. Rassemblant la plupart des événements du même genre disséminés dans les recueils scientifiques, Malgaigne apportait un relevé, complet pour cette époque, des différents cas de mort imputables au chloroforme. La réunion de ces faits avait, en soi, une triste éloquence, et le public médical s’en émut avec raison. Comme, en de telles questions, les faits nous paraissent devoir parler plus haut que tous les raisonnements que l’on pourrait invoquer, nous allons les faire connaître d’après le travail du savant rapporteur de l’Académie.

Le premier des cas de mort recueilli par Malgaigne, est celui d’Hannah Greener, publié par les journaux anglais en 1848.

Hannah Greener était une belle jeune fille de quinze ans, affectée seulement d’un ongle incarné. Elle s’adressa au docteur Meggisson,