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CHAPITRE XIV

la téléphonie ou télégraphie musicale.

Au système télégraphique imaginé par Claude Chappe, c’est-à-dire à l’emploi d’un vocabulaire secret, dont les mots sont traduits par des signaux extérieurs, on peut rattacher une invention qui a beaucoup occupé, de nos jours, l’attention publique, et que nous ferons connaître ici, pour compléter les notions générales relatives à la télégraphie. Nous voulons parler de la téléphonie ou télégraphie musicale, inventée par François Sudre.

La téléphonie n’est qu’une application particulière d’une découverte beaucoup plus générale, due à François Sudre : La langue musicale universelle.

Qu’est-ce que la langue musicale universelle ? C’est l’art d’exprimer, au moyen des sept notes de la gamme, la parole humaine. C’est le secret de rendre toutes les pensées, de parler toutes les langues, par la simple émission de quelques notes de musique. Avec la langue musicale universelle, un Anglais et un Français, un Russe et un Chinois, s’entendent, se comprennent et échangent toutes leurs idées.

François Sudre fut conduit à l’emploi des sons musicaux comme moyen de langage général, par les réflexions émanées de beaucoup de grands esprits qui se sont occupés de linguistique, et qui ont mis en avant le beau projet d’une langue universelle. Descartes, Leibnitz, J.-J. Rousseau, Chabanon, Ch. Nodier, ont indiqué la musique comme l’élément certain d’une langue universelle : « Dire et chanter sont la même chose », a dit Strabon. « Les premières langues furent chantantes et passionnées, dit le philosophe de Genève ; toutes les notes de la musique sont autant d’accents ! » D’après un de nos écrivains modernes : « Les langues, les idiomes, les dialectes, les patois varient au point que souvent on n’entend pas le paysan du village voisin ; mais la musique est une pour tous. » D’Alguarno, qui a précédé Wilkins et Leibnitz, assure qu’avec nos cinq sens physiques, cinq voyelles et cinq consonnes, on pourrait fournir des paroles à toutes les perceptions de l’homme.

C’est en méditant ces principes que François Sudre jeta les bases de la langue musicale. Il était professeur à l’école de Sorrèze lorsque, pour la première fois, en 1817, cette pensée s’offrit à son esprit. Après six ans de travaux, en 1823, il avait à peu près résolu le problème. Désirant soumettre son invention à l’examen des hommes de l’art, il quitta Sorrèze, et se rendit à Paris, où il donna une séance publique, dont rendit compte le Moniteur du 23 octobre 1823.

Fig. 26. — François Sudre.

En 1827, François Sudre présenta son travail à l’Académie des beaux-arts de l’Institut, qui, après avoir pris connaissance des procédés qu’il avait imaginés pour la formation d’une langue musicale, et après plusieurs expériences faites en sa présence, reconnut