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« que l’auteur avait parfaitement atteint le but qu’il s’était proposé, celui de créer une véritable langue musicale ».

Le rapport de la commission ajoute : « Offrir aux hommes un nouveau moyen de se communiquer leurs idées, de se les transmettre à des distances éloignées et dans l’obscurité la plus profonde, est un véritable service rendu à la société. »

Nous ne saurions entrer ici dans l’exposé du système par lequel Sudre a réussi à exprimer, au moyen des sept sons de la gamme, toutes les idées, toutes les expressions fournies par les langues parlées. Ceux qui voudront s’édifier sur cette découverte intéressante, n’auront qu’à consulter l’ouvrage qui a été publié en 1866, par la veuve de l’inventeur[1]. Tout ce que nous voulons en dire, c’est que la téléphonie, c’est-à-dire la télégraphie qui a pour base l’emploi des sons, n’est qu’une application pratique de cette langue musicale universelle inventée par François Sudre.

On va comprendre comment la téléphonie n’est en effet qu’une application de la langue musicale.

Dans la langue musicale de François Sudre, on fait usage des sept notes de la gamme, pour exprimer toutes les idées. En prenant seulement trois notes, Sudre composa la téléphonie, c’est-à-dire l’art de signaler au loin, par les sons d’un instrument, des ordres, des dépêches, des phrases, inscrits d’avance dans un vocabulaire spécial.

La base de la téléphonie ou télégraphie acoustique, c’est donc l’inscription préalable d’une série d’ordres ou de phrases dans un vocabulaire dont l’expéditeur et le dernier stationnaire possèdent seuls la clef, et dans lequel trois sons musicaux servent de signaux pour renvoyer au vocabulaire. La téléphonie est au fond, le système de correspondance télégraphique de Chappe, avec cette différence que les sons font l’office des signaux aériens visibles à grande distance. Ici l’oreille remplace l’œil.

En 1829, un de nos illustres compositeurs, Berton, l’auteur d’Aline et de Montano et Stéphanie, présentait l’inventeur et son œuvre à la classe des beaux-arts de l’Institut. Un rapport fut fait à ce sujet à l’Institut, et communiqué au vicomte de Caux, alors ministre de la guerre, lequel pria Sudre de se rendre auprès du président du comité consultatif d’état-major et d’expérimenter sous ses yeux. Le résultat des essais auxquels la nouvelle méthode fut soumise, parut déjà, à cette époque, très-encourageant.

Cependant, tel qu’il existait en 1829, le système téléphonique de Sudre était compliqué ; il exigeait alors, comme nous l’avons dit, l’emploi de cinq sons : c’étaient les cinq notes de la gamme que donne le clairon :

Il a été depuis singulièrement perfectionné.

La téléphonie n’emploie aujourd’hui que trois sons distincts : sol, ut, sol, compris dans les notes du clairon d’ordonnance. Ces notes sont séparées par des intervalles musicaux assez étendus pour que les oreilles les moins exercées ne puissent les confondre. Chaque signal se compose d’un nombre de sons qui ne dépasse jamais trois, et qui se réduit quelquefois à deux, et même, s’il le faut, à un seul. Deux signaux successifs, dont l’un sert d’avertissement, suffisent pour transmettre l’un des ordres inscrits à l’avance dans un livre de tactique militaire. Les mêmes combinaisons sont applicables à la tactique navale.

Ainsi, la téléphonie n’est autre chose que l’emploi de cinq ou de trois sons, afin de se conformer à la portée du clairon d’ordonnance et de l’approprier à l’art militaire. L’inventeur a choisi comme termes de ce langage,

  1. Langue musicale universelle inventée par François Sudre, également inventeur de la Téléphonie musicale. 1866, 1 vol. in-12, contenant le Vocabulaire de la langue musicale (imprimé à Tours).