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CHAPITRE PREMIER

premiers essais d’application de l’électricité à la transmission des signaux. — le jésuite strada. — le père leurechon et son cadran mystique. — souchu de tournefort. — première mention faite dans un recueil scientifique écossais, de l’idée d’un télégraphe au moyen de l’électricité statique. — télégraphe électrique de g. l. lesage. — lomond. — reiser. — bettancourt. — françois salva.

Les phénomènes de l’électricité statique ne sont connus que depuis le milieu du siècle dernier : c’est en 1746, comme on l’a raconté dans le premier volume de cet ouvrage, que furent découverts les faits qui devaient servir de base à toute une science nouvelle. L’observation du transport à distance de l’électricité, celle des corps conducteurs et non conducteurs, les curieuses propriétés de l’étincelle électrique, avaient commencé d’exciter au plus haut degré l’attention des savants. Bientôt les découvertes arrivèrent de tous les côtés. Musschenbroek construisait la bouteille de Leyde ; on essayait, en France et en Angleterre, d’apprécier la vitesse de l’électricité, et Lemonnier voyait, avec un étonnement profond, ce fluide franchir, dans un temps inappréciable, la distance de deux lieues. Peu de temps après, les physiciens français découvraient la présence de l’électricité libre au sein de l’atmosphère, et s’apprêtaient à aller conjurer au sein des nuées orageuses les terribles effets de l’électricité météorique.

Au milieu de cet élan général vers l’étude des phénomènes électriques, il était impossible que l’idée d’appliquer l’électricité à la transmission des signaux ne vînt pas à se produire.

Déjà d’ailleurs, et avant même la découverte des phénomènes électriques proprement dits, on avait vaguement signalé la possibilité d’appliquer l’action des aimants à une correspondance entre deux points peu éloignés.

L’idée de faire servir le magnétisme à une correspondance télégraphique, remonte jusqu’au xviie siècle ; mais il est difficile de décider si elle a été proposée sérieusement ou comme un pur amusement philosophique. Le lecteur en jugera lui-même d’après les documents historiques qui se rapportent à cette question.

Prolusiones academicæ (Récréations académiques), tel est le titre d’un ouvrage latin, aujourd’hui fort inconnu, qui fut publié en 1617, et dans lequel l’auteur, Flaminius Strada, jésuite de Rome, s’amuse à imiter alternativement dans ses vers, le style des principaux écrivains latins. Dans le passage de ce livre où il prétend imiter Lucrèce, Flaminius Strada expose assez longuement le moyen de correspondre d’un lieu à un autre et à travers une grande distance, au moyen de deux aimants.

Si deux personnes éloignées veulent échanger leurs pensées, il leur suffit, nous dit le jésuite romain, de se munir chacune, d’une aiguille aimantée par un même aimant et de disposer cette aiguille au milieu d’un cercle portant les lettres de l’alphabet. Si l’une des personnes vient à approcher une tige de fer de l’une des lettres, l’aiguille aimantée s’y portera aussitôt. On verra alors l’aimant éloigné se porter vers la même lettre de l’alphabet, et l’on pourra ainsi, en présentant à l’une des deux stations la tige de fer devant les différentes lettres du cadran, composer et transmettre des mots à un observateur placé à une grande distance.

L’opération, comme on le voit, appartient au domaine de la fantaisie pure, car deux aimants distants l’un de l’autre, bien qu’ayant reçu d’un même aimant leur vertu magnétique, n’ont entre eux aucune sympathie, comme on disait alors, qui pourrait produire ces mouvements concordants.

Mais, hâtons-nous de citer le document original. Après avoir fait connaître les propriétés de l’aimant, Flaminius Strada ajoute :

Ergo age, si quid scire voles, qui distat, amicum,
Ad quem nulla accedere possit epistola ; sume
Planum orbem patulumque, notas elementaque prima,
Ordine quo discunt pueri, describe per oras
Extremas orbis, medioque repone jacentem,