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plaque de fonte, qui ferme cette paroi, au moyen de la tige DD′ Le soufre vient tomber dans le bassin E. Il est maintenu en fusion dans cette chaudière, qui est légèrement chauffée. Là, des ouvriers le puisent avec des cuillers, et le versent dans des moules en bois, L, entourés d’eau. Les canons de soufre ainsi moulés, sont emmagasinés dans une caisse M.

Remarquons qu’à la partie supérieure de la chambre, est une ouverture, H, fermée par une soupape. Cette soupape s’ouvre quand la pression de la vapeur est trop forte. Alors l’air peut rentrer dans la chambre et ramener la pression à son état normal. Quand on n’usait pas de cette précaution, la vapeur intérieure faisait quelquefois éclater la chambre, et exposait les ouvriers à être brûlés ou asphyxiés.

Ainsi purifié, le soufre est d’une couleur jaune-serin ; il est deux fois plus pesant que l’eau. Il est si mauvais conducteur de la chaleur, que, tenu dans la main, il fait entendre des craquements, par suite de la rupture intérieure de ses cristaux, déterminée par la difficulté du passage du calorique à l’intérieur de sa substance. Quelquefois même le bâton de soufre se casse en plusieurs fragments. Voici ce qui se passe alors. Les parties échauffées par le contact de la main, se dilatent avant que la chaleur se soit communiquée aux parties voisines ; et comme l’adhérence entre les diverses portions est très-faible, toute la masse se sépare brusquement en un ou deux monceaux.

Les poudreries n’emploient que le soufre en canon. En effet, le soufre en poudre des raffineries ou fleur de soufre, n’est pas pur : il retient toujours de l’acide sulfureux, qu’on ne pourrait en séparer que par des lavages prolongés à l’eau froide.

Le soufre a été obtenu jusqu’à l’année 1830, environ, par les procédés que nous venons de décrire, c’est-à-dire par son extraction des sables sulfurifères de Pouzzoles et de la Sicile, et la distillation du produit brut dans de nouvelles usines. Mais à partir de cette époque, le soufre d’Italie a tenu une place infiniment moindre sur nos marchés. Au soufre des volcans on a substitué celui que l’on peut retirer des pyrites (sulfures de fer ou de cuivre). Voici dans quelles circonstances s’est opérée cette révolution dans la chimie industrielle.

Le roi de Naples était possesseur des soufrières de la Sicile, et comme ce produit était le seul à alimenter les marchés de l’Europe, Ferdinand II imposait ses conditions à toute l’industrie. Pressé par les besoins du trésor public, il en vint graduellement à frapper l’exportation des soufres d’Italie de droits exorbitants, qui allaient jusqu’à doubler la valeur de la matière première.

En fait de science, le roi de Naples était d’une parfaite ignorance ; ce qui n’étonnera guère ceux qui connaissent l’histoire du roi Nasone, ceux qui savent qu’il recherchait beaucoup plus les lazzi et la société des portefaix du port de Naples, que les leçons et les entretiens des savants de son royaume. Dans sa décision douanière, le roi Ferdinand n’avait tenu aucun compte de la chimie, par la raison qu’il ne connaissait pas la chimie, et qu’il ne pouvait, par conséquent, prévoir la guerre que cette science pourrait déclarer à ses prétentions fiscales. C’est pourtant ce qui arriva. En présence des droits exagérés de l’exportation des soufres de Sicile, en présence du haut prix auquel cette matière revenait dans les ports, les chimistes de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France, songèrent à élever une concurrence sérieuse contre le soufre d’Italie. Ils ressuscitèrent un procédé d’extraction du soufre des pyrites, qui avait été employé sous la République française, mais auquel on ne songeait plus. On se mit donc à traiter chimiquement les pyrites, si abondantes en France et en Allemagne, pour en retirer le soufre, et grâce au progrès de l’industrie, grâce à l’émulation de l’intérêt privé, on arriva bientôt à faire cette extraction avec une sûreté et une économie extraordinaires.