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études chimiques. Il a compris, le premier, la véritable nature chimique des corps gras, il a découvert la pectine, ce curieux composé qui se trouve partout dans le monde végétal, et dont les transformations, quand elles seront étudiées d’une manière sérieuse, jetteront les plus utiles lumières sur les phénomènes intimes de la vie des plantes. Or, dans tous ces cas, Braconnot se passa du secours de l’analyse organique ; il arriva à ces belles observations avec les seuls moyens de recherches que l’on possédait au début de notre siècle. Homme heureux ! il vit sortir de ses mains fécondes des découvertes d’une portée inattendue, et jamais il n’emprunta à la science du jour ses instruments ambitieux.

Le chimiste qui reprit et termina l’étude de la xyloïdine, fut E. Pelouze. En 1838, E. Pelouze publia sur la xyloïdine un de ces mémoires corrects et achevés comme on les aime à l’Institut. Il fit le nombre voulu d’analyses organiques, fixa le poids atomique de ce composé, et établit sa formule rationnelle. Mais, ce qui valait mieux encore, il fit une observation entièrement neuve, et de laquelle la découverte de la poudre-coton devait nécessairement sortir. Il trouva que la xyloïdine peut se produire avec d’autres substances que l’amidon, et que si l’on plonge pendant quelques minutes du papier, des tissus de coton ou du lin, dans l’acide azotique concentré, ces matières se changent en xyloïdine et deviennent extrêmement combustibles.

Cependant la pensée ne vint pas à Pelouze d’employer dans les armes à feu, en guise de poudre, le coton ainsi traité. Tant simple soit-elle, cette idée ne se présenta pas à son esprit. Il entrevit néanmoins et il annonça que ces substances « seraient susceptibles de quelques applications, particulièrement dans l’artillerie. » Il remit même à un capitaine d’artillerie, nommé Haquiem, un échantillon de cette matière, en le priant d’examiner si l’on ne pourrait pas en tirer quelque parti. Mais ce dernier eut un tort dans cette affaire : il mourut, et Pelouze ne songea pas davantage aux expériences d’artillerie.

Fig. 165. — E. Pelouze.

La xyloïdine était donc à peu près oubliée, et restait seulement au nombre des produits intéressants de laboratoire, lorsque M. Schönbein, comme nous venons de le dire, découvrit une substance tout à fait analogue à la xyloïdine par ses propriétés explosives, et qui se préparait par le procédé même que Pelouze avait décrit, c’est-à-dire par l’immersion du coton dans de l’acide azotique concentré.

C’est ainsi que cet enfant de la chimie, perdu sur les rives de la Seine, fut heureusement retrouvé dans un canton de la Suisse allemande et produit aussitôt dans le monde par le savant honorable qui s’en était fait le parrain.

La découverte du fulmi-coton fut accueillie avec une faveur sans exemple. Aucune invention scientifique n’a occupé à ce point l’attention du public ; pendant un mois on ne parla pas d’autre chose, et jamais on n’avait entendu dans les salons et dans les cercles tant de savantes discussions.