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percé d’un trou et appelé grain de lumière. Le cuivre rouge se détruit moins vite que le métal du canon sous l’action du tir, parce qu’il est moins fusible, mais ce grain de lumière se déplaçait fréquemment pendant la fonte, et rendait la réussite de l’opération peu certaine.

Un deuxième moyen consista à chauffer fortement la partie du canon voisine de la lumière quand elle avait été altérée par le tir, et à couler du bronze dans l’évasement. Il restait à percer une nouvelle lumière. Ce moyen réussit à conserver quelques pièces menacées d’être mises hors de service.

Enfin on imagina de visser un grain en fer dans un taraudage pratiqué à l’endroit du canal agrandi. C’est le moyen le plus en usage aujourd’hui pour placer le grain de lumière.

La simplicité et l’uniformité qui avaient présidé à la fonte des bouches à feu, furent encore mises en œuvre dans la construction des affûts. Quatre modèles furent établis, correspondant aux quatre calibres ; et les dimensions de leurs parties principales furent déterminées une fois pour toutes, de telle manière, par exemple, qu’une roue quelconque pouvait s’adapter à tous les essieux des canons de la même espèce.

Dans la construction des flasques et des roues, on avait autant que possible évité les ferrures pesantes, parce qu’on s’était aperçu que le défaut d’égale densité des différentes parties tendait à disloquer l’affût au moment du tir. Ainsi les ferrures de l’affût du canon, qui primitivement pesaient 1 400 livres, furent réduites au poids de 1 100 livres. La ferrure d’une de ses roues pesait encore 300 livres.

On ne traîna plus le canon à l’aide des deux bras de limonière chevillés directement aux flasques, comme dans le système que nous avons vu précédemment mettre en usage dans l’artillerie française : un petit avant-train, monté sur deux roues très-basses, et uniforme pour les quatre calibres, supportait la crosse de la bouche à feu, et présentait à son tour les deux bras du limon. Le premier cheval attelé n’eut plus à craindre d’être écrasé par le poids du canon dans les descentes, et les autres chevaux furent attelés par paires, et non plus à la file comme on l’avait fait jusque-là. On eut ainsi une plus grande puissance pour tirer aux tournants des chemins.

Outre le cheval de limon, le canon de 48 exigeait quinze paires de chevaux, le demi-canon onze paires, la pièce de campagne cinq paires.

Au bout de quelques années l’armée des Provinces-Unies sentit l’avantage d’avoir un canon plus léger et de plus petit calibre : c’est un cinquième modèle sur lequel les renseignements nous manquent ; Houdins se refuse à les donner.

« On a naguère pratiqué, dit-il, de petites pièces de campagne pesant environ neuf cents livres, qui sont fort propres et maniables à la campagne. En bataille rangée sont aussi fort serviables, à cause de leur légèreté et facilité à mener d’un côté et d’autre, et sans de grands efforts ; si tient-on la façon secrète, ce qui cause que nous n’en parlerons davantage ; naguère un des serviteurs du maître fondeur en a porté le patron traîtreusement à l’ennemi. »

Tous ces perfectionnements sont déjà très-importants, mais il était réservé à ce vaillant petit pays d’employer à sa défense une invention capitale : nous voulons parler de la bombe.

Citons d’abord les passages qui attestent que les Provinces-Unies firent les premières usage de la bombe ; nous dirons ensuite quelle fut l’origine du boulet creux explosif, invention qui, comme toutes les autres, eut son enfance.

Henri Houdins, s’exprime ainsi au sujet de la bombe.

«… Ces mortiers tirent des grenades de cent livres, et les jettent 2 400 pieds au loing, avec huict ou dix livres de poudre pour chaque coup seulement : car si on mettait davantage, la grenade pourrait crever devant que de sortir, tellement qu’ils (les artificiers) préparent eux-mêmes la poudre, et le tout se doit faire avec bon jugement. »