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Fig. 302. — La trajectoire tendue.


une certaine hauteur, CB au-dessus du sol, telle que si on laissait tomber librement un corps du point A, sommet de la deuxième trajectoire, ce corps mettrait pour arriver au point B, le double du temps qu’il eût mis à tomber du point C. En un mot, la hauteur AB sera égale à quatre fois la hauteur CB.

Il s’ensuivra qu’au point D, où le boulet à grande vitesse n’est déjà plus qu’à hauteur d’homme et peut produire un effet, le boulet à petite vitesse se trouvera sur la verticale élevée à ce point à quatre fois la hauteur de l’homme ; et que l’espace utile DF, appartenant au premier boulet, sera égal à quatre fois l’espace EF, appartenant au second.

Quand on tire des projectiles animés d’une faible vitesse initiale, sur un but éloigné, on est obligé de donner une telle inclinaison à la trajectoire qu’une erreur de quelques mètres dans l’appréciation de la distance fait manquer le but, et on conçoit que cette appréciation est toujours très-difficile. Il est donc plus avantageux dans tous les cas, de communiquer aux projectiles une grande vitesse initiale.

Certains canons ont une portée énorme, elle peut aller, pour quelques-uns, jusqu’à 10 kilomètres, en tirant sous un angle très-élevé ; mais la branche descendante de la trajectoire est alors tellement plongeante qu’il est presque impossible de toucher le but. La portée vraiment utile d’un canon n’atteint jamais à la moitié de sa portée maximum ; elle ne s’opère qu’avec une inclinaison de la pièce ne dépassant pas 4 ou 5 degrés.

La portée utile dépend donc en grande partie, de la vitesse initiale qu’il est possible de communiquer au projectile, c’est-à-dire de la charge de poudre que permet la résistance de la pièce. Ainsi la résistance du métal employé pour la confection des bouches à feu était la première question qui devait occuper les hommes de l’art. Cette difficulté a été résolue, ainsi que nous l’avons dit, par l’adoption de l’acier comme métal constituant des bouches à feu. On est arrivé à un résultat à peu près semblable en fabriquant des canons avec des cercles de fer enchâssés les uns sur les autres, comme nous l’expliquerons en parlant du canon Whitworth.

Passons à la question des projectiles.

Il paraîtrait simple, au premier coup d’œil, pour obtenir de grandes vitesses initiales, d’employer des projectiles très-légers. Mais la résistance de l’air détruit beaucoup plus vite la force vive des petits projectiles que celle des projectiles massifs. Quelques mots d’explication à ce sujet sont nécessaires.

Supposons deux projectiles sphériques de diamètre double l’un de l’autre. D’après les principes de la géométrie, le poids du plus gros sera égal à huit fois celui du plus petit, sa surface à quatre fois celle du plus petit. La force vive d’un projectile est représentée par le produit de sa masse par sa vitesse. En admettant les vitesses initiales égales, la force vive du gros projectile sera encore huit fois plus grande que celle de l’autre.

Or, la résistance de l’air s’exerçant proportionnellement à la surface de la demi-sphère antérieure, elle ne sera que quatre fois plus grande pour le gros projectile. La force vive de celui-ci sera donc plus longtemps conservée.

La forme cylindro-conique, ou allongée, est celle qui a été généralement adoptée pour les