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Si nous prenons deux barres de 1 mètre de longueur chacune, et que nous leur fassions porter solidairement un poids de deux tonnes, les choses se passeront comme si chaque barre n’avait supporté qu’une tonne ; les augmentations de longueur des deux barres seront égales.

Si, maintenant, nous supposons que l’une de ces barres ait 2 mètres de longueur, et l’autre 1 mètre ; la barre de 2 mètres tendrait à s’allonger d’une quantité double de l’autre pour le même poids à supporter ; mais l’extrémité inférieure de la grande barre ne pouvant pas dépasser celle de la petite, il s’en suivra que les allongements seront égaux dans chaque barre, que la grande ne subira presque aucun effort, que presque tout le poids sera supporté par la petite. Il pourra arriver que la petite barre excédée se rompe, et que sa rupture entraîne celle de la grande barre.

Ce qui est vrai pour les barres verticales, sera vrai encore pour ces mêmes barres courbées en cercle et disposées concentriquement, pour supporter en même temps un effort agissant suivant la circonférence intérieure, comme le serait par exemple la poussée d’un mandrin trop gros. Les deux barres devant se distendre de la même quantité, la barre intérieure supportera d’abord presque tout l’effort et pourra se rompre ; puis l’effort tout entier portant sur la barre extérieure, celle-ci se rompra à son tour.

On peut diviser, par la pensée, l’épaisseur d’un canon en différentes couches, lesquelles se trouveront dans le cas des cercles concentriques. La pression du gaz de la poudre tendra à excéder la résistance de la couche de métal intérieure, avant d’avoir agi sensiblement sur la couche la plus éloignée ; et il est évident maintenant, qu’en augmentant indéfiniment l’épaisseur du canon, on arrivera à ce point que la couche extérieure du métal n’aidera en rien à la résistance de l’âme.

Voilà donc, au point de vue théorique, comment un canon éclate. Les couches ayant la moins grande longueur de circuit se rompent d’abord, par le point le plus faible ; puis la rupture gagne les autres couches, à mesure que l’effort agit sur un point de plus en plus éloigné.

Pour que l’épaisseur du métal acquière toute son utilité, il faudrait que les couches successives s’allongeassent de la même quantité sous le même effort. Il faudrait fabriquer les canons avec des métaux différents et disposés par cercles superposés, suivant l’ordre inverse de leurs allongements respectifs, l’épaisseur de chacun de ces cercles étant calculée d’après la différence de l’allongement de la couche précédente et de la couche suivante. Ou bien, n’employer qu’un seul métal, mais faire en sorte que les couches différentes se compriment successivement, pour soutenir la plus intérieure.

Sur ce principe sont basés plusieurs systèmes de fabrication des canons, et particulièrement ceux de MM. Longridge, Mallet et Whitworth.

En 1855, M. Longridge proposa de construire les pièces en enroulant sur une âme de fonte des couches de fil de fer de plus en plus serrées jusqu’à l’extérieur[1]. La pression eût été calculée de telle sorte que chaque tour de fil eût subi le même allongement sous l’effort de la décharge. On eût ainsi obtenu à très-bas prix des canons d’une excellente résistance. Ce système n’a pas été expérimenté d’une manière suffisante pour que l’on puisse l’apprécier avec connaissance de cause.

Pendant cette même année, M. Mallet publia, en Angleterre, un mémoire sur la fabrication des canons formés de cercles superposés. Chaque cercle est trop petit pour recouvrir celui qui le précède ; pour l’ajuster, pour le mettre en place, on le dilate par la

  1. Adts, Canons rayés, système Cavalli et Armstrong, brochure in-8. Paris 1861.