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poudres de guerre, les efforts de Berthollet pour remplacer le salpêtre par le chlorate de potasse, dans la composition de la poudre à canon. Nous avons dit qu’il dut renoncer à son projet, après deux explosions successives, qui manifestaient avec une cruelle évidence les dangers du nouveau sel. Toutefois, Berthollet ne renonça pas entièrement à ce genre de recherches. Il reprit l’étude des fulminates, et découvrit l’argent fulminant.

Dès que cette préparation fut connue, on se hâta d’en faire l’application à la pyrotechnie, et après quelques essais, au service des armes à feu. Mais l’extrême instabilité du fulminate d’argent, la facilité avec laquelle il détone sous l’influence du plus léger choc ou de la moindre élévation subite de température, firent restreindre l’application de ce sel aux feux d’artifice.

Après la découverte de l’argent fulminant par Berthollet, un certain nombre de savants s’ingénièrent à trouver de nouvelles compositions fulminantes. On proposa, à de courts intervalles : le mélange du chlorate de potasse avec un corps combustible, celui du chlorate d’argent avec le soufre, le mélange de l’iodate de potasse avec le soufre, les ammoniures d’or, d’argent, etc.

Enfin, en 1800, l’Anglais Howard, reprenant les expériences de Fourcroy et Vauquelin sur les fulminates, réussit à préparer une poudre extrêmement explosible, composée de fulminate de mercure et de salpêtre, qui possédait toutes les qualités requises pour remplacer la poudre d’amorce dans les armes à feu.

Le fulminate de mercure, qui a porté longtemps le nom de poudre de Howard, est formé par la combinaison d’un oxacide du cyanogène (Cy2O2), nommé acide fulminique, avec le protoxyde de mercure. Sa formule chimique est (HgO)2, Cy2O2. Son analogue, le fulminate d’argent, est formé par la combinaison de l’acide fulminique avec le protoxyde d’argent, comme l’indique sa formule (AgO)2, Cy2O2. Ces deux sels s’obtiennent en traitant l’alcool par l’acide azotique en présence du métal.

Pour préparer le fulminate de mercure, on dissout 1 partie de mercure dans 12 parties d’acide azotique, à 38 ou 40° de l’aréomètre de Baumé, et l’on ajoute peu à peu à la liqueur, 11 parties d’alcool, à 85 ou 88° centésimaux ; puis on fait chauffer le mélange au bain-marie, jusqu’à ce qu’il se produise des vapeurs blanches et épaisses. Par le refroidissement, on voit se déposer de petits cristaux, d’un blanc jaunâtre, qu’on lave à l’eau froide et qu’on sèche ensuite avec précaution. La substance ainsi obtenue est le mercure fulminant.

On prépare le fulminate d’argent en faisant dissoudre l’argent pur dans de l’acide azotique ; on l’additionne d’alcool et l’on fait chauffer la liqueur acide. Les mêmes réactions se produisent, et la poudre blanche qui reste après le refroidissement, est le fulminate d’argent.

Ces poudres sont des plus dangereuses à manier : elles détonent avec une extrême violence et peuvent occasionner de terribles accidents. Le plus léger frottement suffit pour en provoquer l’explosion ; aussi ne les touche-t-on qu’avec des baguettes de bois tendre, ou des cuillers en papier. Plusieurs chimistes ont été tués, ou horriblement mutilés, faute d’avoir pris les précautions suffisantes dans la préparation de ces produits.

En 1808, Barruel, préparateur du cours de chimie de M. Thénard, à la Faculté des sciences de Paris, eut la main droite à moitié emportée par la détonation d’un peu de fulminate de mercure, qu’il avait l’imprudence de broyer dans un mortier d’agate.

En 1809, mon oncle, Pierre Figuier, professeur de chimie à l’École de pharmacie de Montpellier, à qui l’on doit la découverte des propriétés décolorantes du charbon animal, découverte qui seule a permis de créer l’industrie des sucres de betterave en Europe, et