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vers ce genre d’instruments. La conséquence la plus directe de l’accumulation des coups dans une arme, c’est d’augmenter son poids. Or, l’effort constant des siècles, depuis l’origine des armes portatives, a poursuivi le résultat contraire, c’est-à-dire la diminution de leur poids. Ce n’est qu’à partir du moment où l’on a songé à adapter l’appareil roulant au pistolet, c’est-à-dire à une arme légère, que l’on a pu se permettre d’y ajouter l’excédant de poids résultant du mécanisme à répétition, et que des perfectionnements sérieux ont pu être réalisés dans cette voie.

On avait oublié depuis longtemps les armes à cylindres tournants, lorsque, vers 1815, un armurier de Paris, nommé Lenormand, confectionna un pistolet à cinq coups. Ce pistolet était à révolution continue, c’est-à-dire qu’il n’était pas nécessaire de l’armer à chaque coup. Il n’avait qu’un canon, et cinq tubes groupés autour d’un tambour, auquel le mécanisme communiquait un mouvement de rotation sur lui-même. Mais ce révolver offrait de graves inconvénients : il n’eut aucun succès.

Vint ensuite le révolver Devisme, à 7 coups, qui ne fut pas mieux apprécié. Un autre révolver dû à Hermann, de Liége, quoique moins imparfait, ne put davantage conquérir la faveur publique.

Peu après, parut le pistolet Mariette. Cette arme différait des précédentes en ce que, au lieu d’être à cylindre tournant, elle se composait d’un faisceau de canons, assemblés entre eux au moyen d’une culasse massive, formée d’autant de chambres qu’il y avait de canons. Le nombre des canons variait de 4 à 24 ; chacun se vissait sur l’une des chambres de la culasse. Dès qu’on pressait la détente, le faisceau et la culasse tournaient, et chaque canon venait se placer devant un marteau percuteur faisant l’office de chien ; il y était maintenu par un arrêt jusqu’au moment de désencocher.

Cette arme ne pouvait rendre de services qu’à bout portant.

Enfin, Malherbe vint… Nous voulons dire Colt.

C’est en 1835 que Samuel Colt, colonel des États-Unis, fit connaître le révolver qui porte son nom. Profitant habilement des travaux de ses devanciers, perfectionnant plutôt qu’inventant ; merveilleusement servi, d’ailleurs, par les circonstances, le colonel Colt résolut parfaitement le problème et réalisa, grâce à son révolver, une fortune considérable.

L’engouement, dont cette arme fut tout de suite l’objet, s’explique par le rôle qu’elle joua en 1837, dans la guerre des États-Unis contre les tribus sauvages de la Floride. Elle contribua beaucoup, dit-on, à la prompte soumission des Peaux-Rouges, qui se montrèrent prodigieusement surpris de voir leurs ennemis tirer six coups de suite d’une arme à feu sans la recharger.

Dans les premiers temps de la découverte du Nouveau Monde, les naïfs habitants de ces contrées furent frappés de stupeur, devant les effets des mousquets des Espagnols. Trois siècles après, grâce aux progrès de la civilisation, les habitants des mêmes contrées, familiarisés avec les armes à feu, n’étaient plus surpris que de voir un pistolet tirer six coups de suite. Les Incas et les habitants primitifs des Antilles, s’imaginaient que les conquérants espagnols portaient avec eux le feu du ciel ; de nos jours, leurs descendants, un peu façonnés à la vie moderne, ne s’effrayaient que des progrès de la mécanique.

Les succès du révolver, chez les Américains, s’expliquent par le caractère particulier de cette nation. Sur la terre d’Amérique, encore incomplètement civilisée, on se trouve souvent dans la nécessité de se faire justice soi-même. Une arme peu gênante, très-portative et très-redoutable à la fois, devait donc être accueillie à bras ouverts par les Améri-