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vires cuirassés que l’Italie a fait construire en France : Terrible, Formidable, Castelfidardo, Regina Maria Pia, San Martino, Ancona, les arsenaux et chantiers de Gênes, de la Spezzia, de Foce, de Livourne, et plus récemment de Venise, ont travaillé avec activité à l’application des blindages métalliques, sur des vaisseaux garde-côtes. Au 1er janvier 1867, l’Italie possédait 23 navires cuirassés, ainsi répartis : 12 frégates, 2 corvettes, 1 ariete, 5 canonnières, 3 batteries flottantes.

On sait qu’un navire de la marine cuirassée de cette nation, le Re-d’Italia, que l’amiral Persano venait de quitter, fut coulé, au combat naval de Lissa, par le choc d’un vaisseau autrichien, le Maximilien Ier. Des six cents hommes d’équipage que portait ce vaisseau, quatre cents périrent dans cet événement funeste. Le Re-d’Italia avait été construit en Amérique.

Nous représentons (fig. 410) l’un des navires de la marine cuirassée du royaume d’Italie, le Castelfidardo.


CHAPITRE XII

conclusion.

Nous venons d’exposer aussi complétement qu’il était possible de le faire avec les seules données qui aient été jusqu’ici rendues publiques, la situation des forces maritimes cuirassées chez les principaux États des deux mondes. Dans peu d’années, les puissances de second et de troisième ordre, que notre activité a laissées en arrière, posséderont certainement à leur tour, des forces du même genre, importantes par le nombre ou la qualité. Que seront alors les guerres internationales et maritimes ? Quel rôle précis joueront dans les combats sur mer, les navires cuirassés ? Quel sera le rôle des anciens bâtiments ?

Il est bien difficile de pouvoir s’exprimer d’avance sur des questions si complexes. Tout ce qu’il est permis de dire, c’est que l’invention des cuirasses métalliques a complétement bouleversé l’art de la guerre maritime. Le nouveau système de défense des navires contre une artillerie, devenue formidable, a eu pour résultat d’annuler tout d’un coup l’ancienne tactique navale, œuvre de tant de siècles, et par là, on peut le dire, elle a ôté une partie de sa poésie et de sa grandeur au métier de soldat à la mer. Aucun spectacle n’est plus émouvant que celui d’un combat entre deux vaisseaux de ligne. L’homme réunit aux efforts des éléments les efforts de son courage. Les voiles, labourées par la mitraille, laissent flotter au vent leurs lambeaux déchirés. Les mâts, fracassés par les boulets, tombent sur le pont, avec un horrible fracas, entraînant dans leur chute, les haubans et les cordages, écrasant officiers et soldats. Le matelot, armé de fer, ivre de fureur, s’élance à l’abordage, sur le pont du navire ennemi, et dans un combat corps à corps, dispute pied à pied son navire, sa seconde patrie. Mais pour avoir changé d’aspect le spectacle du combat entre deux navires cuirassés n’en sera pas moins terrible ; il ne sera pas moins une occasion sublime donnée à l’homme pour développer ses instincts guerriers. L’initiative du commandant, plutôt que l’intrépidité individuelle, remportera les victoires. Le boulet et l’obus, impuissants contre le fer de la cuirasse, rejailliront inoffensifs dans la mer : ils n’auront plus à frapper des agrès, devenus inutiles. Le pavillon national, flottant au-dessus de la carapace noire et nue, fera seul comprendre qu’il existe dans cette masse sombre et silencieuse, des cœurs de soldats. On ne sentira le navire guidé par une volonté unique, qu’à ses mouvements réguliers et aux bordées lancées par ses canons. Mais combien est poignant et suprême le moment où les deux navires ennemis s’approchent l’un de l’autre ! Voyez-les. Que l’attaque doive venir du choc par l’éperon ou de la bordée de leurs formidables canons, chacun des vaisseaux engagés re-