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convertie en un vaste champ de production. Là où auparavant l’huître ne pouvait se développer, les agents de l’administration en comptent, à l’heure qu’il est, en moyenne, 600 par mètre carré ; ce qui donnerait pour une superficie de 630 000 mètres en exploitation, un total de 378 millions de sujets, la plupart ayant déjà une taille marchande et représentant une valeur de 6 à 8 millions de francs.

Ce travail, commencé seulement depuis l’année 1863, se poursuit dans tout le reste du pourtour de l’île. Il est l’œuvre des efforts combinés de plusieurs milliers d’hommes, venus de l’intérieur pour prendre possession de ce nouveau domaine. Quinze cents parcs y sont dès à présent en pleine activité, et deux mille autres en voie de construction. Les détenteurs de ces établissements, constitués en association, ont nommé des délégués pour les représenter auprès de l’Administration, et des gardes-jurés pour surveiller la récolte commune. Ils se réunissent en assemblée générale, pour délibérer sur les moyens de perfectionner leur industrie. En sorte que, dans cette association, à côté de l’intérêt individuel, se trouve représenté l’intérêt de la communauté.

Dans la baie d’Arcachon, l’industrie huîtrière se développe avec les mêmes proportions qu’à l’île de Ré. Le bassin tout entier se transforme en un champ producteur. Ici, cent douze capitalistes, associés à cent douze marins, exploitent 400 hectares de terrains émergeant à la marée basse ; et l’État, pour donner l’exemple, a organisé deux sortes de fermes modèles destinées à l’expérimentation de toutes les méthodes propres à fixer la semence et à rendre la récolte facile. L’application de ces méthodes a déjà amené une telle reproduction, que ce bassin est sur le point de devenir un des centres les plus actifs des approvisionnements de nos marchés. Les qualités de forme et de goût que le coquillage acquiert dans la baie d’Arcachon permettent de le livrer directement à la consommation, sans lui faire subir préalablement les traitements auxquels on soumet dans les parcs de perfectionnement les huîtres provenant de la pêche ordinaire. Les dépenses que ces manipulations exigent partout ailleurs étant supprimées, il en résultera une économie qui tournera à la fois au bénéfice du producteur et du consommateur.

Quant aux huîtrières artificielles cultivées dans la rade de Toulon, leurs résultats ont été très-satisfaisants au début, mais des causes diverses ont nui plus tard à leur développement.

Il est donc hors de doute que la méthode empruntée à l’histoire naturelle pour provoquer au sein de la mer la multiplication des huîtres, a franchi de la plus heureuse manière la période de tâtonnements et d’essais. Cette période n’a pas été longue d’ailleurs, si l’on considère l’extrême originalité de cette méthode, qui ne comptait aucun précédent. Il ne reste plus maintenant qu’à généraliser ses applications. Le procédé étant reconnu bon, il n’y a plus qu’à le mettre en pratique dans un grand nombre de lieux maritimes, pour faire profiter nos populations de ses avantages.

Sur le sujet qui vient de nous occuper, M. Jules Cloquet a fait, en 1861, à la Société d’acclimatation un rapport intéressant que nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs, pour compléter les renseignements qui précèdent.

« C’est dans la baie de Saint-Brieuc, dit M. J. Cloquet, qu’ont été tentés les premiers essais d’agriculture maritime. En 1857, à la suite d’un rapport de M. Coste à l’Empereur, cette baie devint le théâtre d’un aménagement spécial ayant pour but de créer des centres de production là où il n’y en avait jamais eu.

« Une sorte de semis d’huîtres mères, autour et au-dessus desquelles furent déposés comme collecteurs des nourrissons qu’elles allaient émettre, des fascines, des valves de divers mollusques, des tuiles, des fragments de poterie, y fut opéré à de grandes profondeurs, sur des fonds tourmentés par la vio-