Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/120

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« Les médecins habiles, disait-il, recommandent d’en remplir des vessies et de les placer sous le chevet des personnes affectées de maladies pulmonaires, afin que, transpirant peu à peu de son enveloppe, il se mêle à l’air que respire le malade, et en corrige la trop grande vivacité. »

Puis, se laissant aller sur cette pente, il ajoutait :

« Dans le foyer même de l’exploitation, l’air, au lieu d’être infecté d’une fumée nuisible, ne contient que des atomes de goudron et d’huile en vapeurs, d’acide acétique et d’ammoniaque. Or on sait que chacune de ces substances est un antiseptique. L’eau goudronnée s’emploie comme médicament à l’intérieur ; les huiles essentielles sont aussi utiles qu’agréables à respirer ; l’acide acétique ou vinaigre est un antiputride, et l’ammoniaque est, comme l’hydrogène, un puissant sédatif. »

Il terminait en disant que les navigateurs qui entreprennent des voyages de long cours, feraient bien d’emporter, à titre de substance hygiénique, quelques tonneaux des résidus provenant de la fabrication du gaz.

Winsor avait à lutter, à cette époque, à peu près contre tout le monde. Les résultats fâcheux de ses premiers essais avaient laissé dans tous les esprits une impression très-défavorable. D’un autre côté, Murdoch, irrité de se voir contester par un rival, ses droits d’inventeur, lui suscitait mille entraves. La plupart des savants, qui ne pouvaient connaître encore toutes les propriétés du gaz de l’éclairage et les moyens de parer à ses dangers, se réunissaient pour combattre le novateur, qui, assez ignorant lui-même en ces matières, ne faisait que fournir des armes à ses contradicteurs, par ses réponses erronées. Un chimiste, qui nous est connu par un Traité des manipulations traduit en français, Accum, se distinguait entre tous par l’insistance et la force de ses objections. Il prouvait que le gaz, tel que le préparait Winsor, était d’un emploi difficile, d’un maniement dangereux, et qu’il devait exercer sur l’économie une action très-nuisible.

Toutes ces critiques, qui agissaient de la manière la plus fâcheuse sur l’esprit du public anglais, n’ébranlèrent pas un instant les projets ni la ferme assurance de Winsor.

Le 1er mars 1808, il convoqua les actionnaires de sa compagnie. Il exposa les travaux exécutés jusque-là et l’état présent de l’exploitation. N’ayant pu obtenir l’autorisation d’éclairer les principales places de Londres, on avait dû se borner à l’éclairage de la grande rue Pall-Mall. Winsor annonçait en outre, qu’il avait adressé au roi un mémoire, dans lequel il demandait, pour la compagnie, le privilège exclusif de l’exploitation de sa découverte dans toute l’étendue des possessions britanniques. Le mémoire présenté à George III promettait un bénéfice de 670 pour 100 sur les fonds avancés. Mais le roi avait répondu « qu’il ne pouvait accorder la charte d’incorporation demandée par le mémoire qu’après que l’on aurait obtenu du parlement un bill qui autorisât la société. »

Sur cette déclaration, une enquête fut ouverte, le 6 mai 1809, devant la Chambre des communes. Dans cet intervalle, Winsor n’avait pas perdu son temps. Par sa remuante activité, il avait fini par multiplier singulièrement le nombre des partisans du gaz ; l’opinion publique commençait à fléchir du côté de ses idées. Ce n’est du moins que par cette conversion unanime que l’on peut expliquer ce qui se passa devant la commission d’enquête de la Chambre des communes.

Tous les témoignages invoqués, toutes les autorités consultées, se montrèrent favorables au nouveau système d’éclairage. Winsor fit comparaître d’abord des vernisseurs, qui employaient beaucoup d’asphalte étranger, et qui vinrent affirmer que le goudron, ou l’asphalte du gaz, donnait un noir d’un lustre bien supérieur ; qu’il se dissolvait et séchait plus vite, et pouvait être employé sans mélange avec la résine. Des teinturiers vinrent ensuite annoncer que les eaux ammoniacales provenant de l’épuration du gaz, l’empor-