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chée placés dans les hospices, ces aggravations d’un mal léger à l’origine se remarquent avec une déplorable fréquence.

Ces considérations générales sur les inconvénients et les dangers de l’air non renouvelé par une ventilation naturelle ou artificielle, acquerront une force nouvelle, si nous les appuyons par quelques faits recueillis dans les auteurs classiques.

Le plus frappant exemple des dangers de l’air confiné, comme l’appellent les physiciens de nos jours, par une ellipse heureuse, nous est fourni par un triste épisode de la guerre des Anglais dans les Indes, à la fin du siècle dernier.

Dans un des engagements victorieux des Indiens contre l’armée anglaise envahissante, cent quarante-six hommes avaient été faits prisonniers par les indigènes. Ces prisonniers furent renfermés dans une petite salle de vingt pieds carrés, où la lumière et l’air n’arrivaient que par deux soupiraux donnant sur un corridor. Les prisonniers ne tardèrent pas à se sentir pris de suffocation et du suprême besoin de respirer. La chaleur était devenue extraordinaire. Tous les malheureux enfermés dans cette étroite prison, éprouvaient une soif intense, un douloureux serrement à la gorge et aux tempes. Ils se pressèrent en foule vers les deux petites ouvertures qui donnaient accès sur le corridor. Quelques-uns se cramponnaient aux barreaux, se soulevaient à force de bras, et aspiraient quelques bouffées d’air pur. Mais bientôt, arrachés de ce poste de salut par leurs compagnons en délire, ils étaient repoussés et foulés aux pieds. Une lutte affreuse s’engagea entre ces hommes à demi fous, et les plus robustes triomphèrent (fig. 236).

Le lendemain, au bout de huit heures, quand on ouvrit la porte du cachot, vingt-trois prisonniers seulement étaient vivants. Cent vingt-trois cadavres jonchaient le sol.

Un fait analogue s’est produit en France. Après la bataille d’Austerlitz, trois cents Autrichiens faits prisonniers, étaient dirigés vers nos frontières. On les enferma, pour leur faire passer la nuit, dans une cave très-exiguë. Chose horrible à dire ! Deux cent soixante de ces malheureux périrent asphyxiés, et les quarante qui respiraient encore, furent trouvés si faibles, qu’il fut impossible, pendant plusieurs jours, de leur faire continuer la marche.

Nos guerres d’Afrique ont offert un épisode du même genre et tout aussi douloureux. En 1845, le colonel Pélissier, le même qui devait plus tard s’illustrer en Crimée par de si glorieuses actions militaires, poursuivait une colonne d’Arabes, qui, ne trouvant d’autre refuge, alla s’enfermer dans une caverne pourvue d’une seule entrée. Pélissier, au lieu de prendre l’ennemi par la famine, eut la malheureuse idée de faire jeter à l’entrée de la caverne, des brandons de paille enflammée. On pensait que la fumée et la viciation de l’air forceraient les Arabes à sortir de leur retraite. Pas un ne sortit. Seulement, quand on pénétra, quelques heures après, dans les détours de la caverne, on y trouva 500 cadavres ! L’air, altéré par la combustion et par la respiration des prisonniers, s’était changé pour eux en un poison mortel.

Voici un autre fait, bien étrange. Les écrivains anglais assurent que dans une séance de la Cour d’assises d’Oxford, juges et accusés, gardiens et auditeurs, furent frappés d’une asphyxie subite et mortelle ! L’altération de l’air produite par une agglomération considérable d’individus dans une salle étroite, et dont toutes les issues étaient fermées, avait provoqué cet étonnant résultat. On peut donc être surpris par l’asphyxie, avant que la moindre impression douloureuse ait averti du péril. Sans cela les nombreuses personnes réunies dans la salle des assises d’Oxford, se seraient empressées de se dérober au danger.