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à une telle hauteur. Mais, indépendamment de l’insuffisance de l’air, à partir d’une certaine altitude, il y a une autre cause de danger pour la vie des êtres animés ; c’est la diminution de la pression atmosphérique. Sur la terre, la pression atmosphérique qui comprime notre corps à l’extérieur est équilibrée à l’intérieur par les liquides qui circulent dans les organes. Si cette pression extérieure vient à diminuer, par suite du transport du corps dans une région plus élevée, cet équilibre est rompu ; il y a excès de la pression intérieure sur celle du dehors, et de là peuvent résulter les accidents les plus graves. Ces accidents consistent surtout en un trouble dans la circulation du sang. Si l’on s’élève beaucoup, le sang sort par le nez, par les oreilles ; les lèvres bleuissent : on est exposé à une apoplexie pulmonaire. Dès que l’aéronaute commence à respirer avec peine et à souffrir du manque d’air, il doit donc prendre garde, et ne s’élever qu’avec précaution. Il est à craindre qu’il ne soit bientôt plus assez maître de ses mouvements pour pouvoir respirer le gaz oxygène qu’il a emporté comme moyen de salut.

Ainsi, une précaution essentielle pour l’aéronaute, c’est de s’élever avec lenteur, afin que son corps ne passe pas avec une trop grande rapidité de la pression extérieure normale à une pression insuffisante. En procédant graduellement, il peut rendre beaucoup moins dangereux ce passage de la pression ordinaire à une faible pression, ses organes ayant le temps de s’y préparer et de réagir contre cette cause d’accidents. Les ouvriers qui travaillent dans l’air comprimé, pour la fondation des piles de pont, sous l’eau, ont bien soin de ménager cette transition du passage de l’air extérieur à l’atmosphère d’air comprimé, et ceux qui s’abstiennent de cette précaution en sont les victimes. Les crachements de sang, les saignements de nez, les vertiges, auxquels sont sujets les ouvriers qui travaillent dans l’air comprimé, ont pour cause le mépris de la transition d’une atmosphère à une autre. Ce qui est vrai pour l’air comprimé l’est également pour l’air raréfié, car c’est la même cause agissant en sens inverse. L’air comprimé produit des épanchements et intravasations des liquides du corps de l’extérieur à l’intérieur ; l’air raréfié provoque des extravasations, des épanchements du sang du dedans au dehors. Mais dans l’un et l’autre cas on peut éviter ces dangers en ne se soumettant que progressivement à la différence de pression.

Nous sommes convaincu que dans le cas du Zénith la trop grande rapidité de l’ascension fut pour beaucoup dans la catastrophe. C’est le passage trop subit de la pression normale à une très faible pression qui devint la cause originaire du malheur. Les trois aéronautes furent, pour ainsi dire, sidérés par l’atmosphère raréfiée dans laquelle ils se trouvèrent trop rapidement transportés. De là résulta un anéantissement des facultés, qui détermina, comme il arrive dans ces sortes de cas, des actes involontaires, inconscients, qui causèrent leur mort. C’est, en effet, parce qu’ils perdent subitement la possession de leur intelligence, que l’un des aéronautes coupe les sacs de sable, pour s’élever plus haut, alors qu’il aurait dû, au contraire, ouvrir la soupape, pour redescendre. C’est pour cela que l’autre jette par-dessus le bord les couvertures, et jusqu’aux appareils que l’Académie avait mis entre ses mains pour faire des expériences.

Ainsi, défaut de prudence qui a empêché de munir les aéronautes des appareils recommandés contre l’asphyxie, trop grande rapidité de l’ascension, telles sont les deux causes qui, selon nous, expliquent la catastrophe du Zénith.

Quoi qu’il en soit d’un événement dont