Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/304

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des oracles ce que nous en croyons ; mais les païens, qui les produisaient pour un titre de la divinité de leur religion, n’avaient garde de consentir qu’ils ne fussent qu’un artifice de leurs prêtres. Il fallait donc, pour gagner quelque chose sur les païens, leur accorder ce qu’ils soutenaient si opiniâtrement et leur faire voir que, quand même il y aurait eu du surnaturel dans les oracles, ce n’était pas à dire que la vraie Divinité y eût eu part ; alors, on était obligé de mettre les démons en jeu.

Il est vrai qu’absolument parlant, il valait mieux en exclure tout à fait les démons, et que l’on eût donné par là une plus grande atteinte à la religion païenne ; mais tout le monde ne pénétrait peut-être pas si avant dans cette matière, et l’on croyait faire bien assez lorsque, par l’hypothèse des démons, qui satisfait à tout avec deux paroles, on rendrait inutile aux païens toutes les choses miraculeuses qu’ils pouvaient jamais alléguer en faveur de leur faux culte.

Voilà apparemment ce qui fut cause que, dans les premiers siècles de l’Église, on embrassa si généralement ce système sur les oracles. Nous perçons encore assez dans les ténèbres d’une antiquité si éloignée pour y démêler que les chrétiens ne prenaient pas tant cette opinion à cause de la vérité qu’ils y trouvaient qu’à cause de la facilité qu’elle leur donnait à combattre le paganisme, et s’ils renaissaient dans les temps où nous sommes, délivrés, comme nous, des raisons étrangères qui les déterminaient à ce parti, je ne doute point qu’ils ne suivissent presque tous le nôtre.

Jusqu’ici, nous n’avons fait que lever les préjugés qui sont contraires à notre opinion et que l’on tire ou