Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/320

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ainsi qu’il paraît par beaucoup d’exemples, ils étaient seuls à les examiner ; et tel qu’on obligeait à recommencer le sacrifice, avait pourtant immolé un animal dont le cœur et le foie étaient les plus beaux du monde.

Ce qu’on appelait les mystères et les cérémonies secrètes d’un dieu était sans doute un des meilleurs artifices que les prêtres eussent imaginés pour leur sûreté. Ils ne pouvaient si bien couvrir leur jeu, que bien des gens ne soupçonnassent la fourberie. Ils s’avisèrent d’établir de certains mystères qui engageaient à un secret inviolable ceux qui y étaient initiés.

Il est vrai qu’il y avait de ces mystères dans des temples qui n’avaient point d’oracles ; mais il y en avait aussi dans beaucoup de temples à oracles, par exemple, dans celui de Delphes. Plutarque, dans ce dialogue si souvent cité, dit qu’il n’y avait personne à Delphes, ni dans tout ce pays, qui ne fût initié aux mystères. Ainsi tout était dans la dépendance des prêtres ; si quelqu’un eût osé ouvrir la bouche contre eux, on eût bien crié à l’athée et à l’impie et on lui eût fait des affaires dont il ne se fût jamais tiré.

Sans les mystères, les habitants de Delphes n’eussent pas laissé d’être toujours engagés à garder le secret aux prêtres sur leurs friponneries, car Delphes était une ville qui n’avait point d’autre revenu que celui de son temple, et qui ne vivait que d’oracles ; mais les prêtres s’assuraient encore mieux de ces peuples en se les attachant par le double lien de l’intérêt et de la superstition. On eût été bien reçu à parler contre les oracles dans une telle ville !

Ceux qu’on initiait aux mystères donnaient des assurances